{1} Voici l’article en question :
Hier, devant une assemblée de savants, médecins, chirurgiens, physiologistes réunis à l’Académie de médecine, le professeur Pozzi a fait une communication du plus haut intérêt sur les belles expériences de greffes animales tentées avec succès par un chirurgien français établi à New York, M. Alexis Carrel, qui est actuellement un des directeurs de l’Institut Rockefeller.
Lors d’un récent voyage scientifique fait aux États-Unis, le professeur Pozzi a constaté de visu les surprenants résultats obtenus par M. Carrel. Il en est revenu émerveillé.
Les premières expériences tentées par le savant français furent des rapiècements d’arriérés. Sur une chienne de taille moyenne, M. Carrel coupa en janvier 1917 la moitié de l’aorte abdominale sur une étendue de deux centimètres. Il rapiéça le vaisseau avec un morceau de péritoine prélevé sur le même animal et conservé pendant quelques jours dans de la vaseline. La chienne continua à se bien porter. Vingt-deux mois après, le 22 novembre 1918, on fit à l’animal une laparatomie, on lui ouvrit le ventre et on constata qu’il n’y avait plus aucune trace de l’opération primitive.
« J’ai vu cet animal, nous dit M. Pozzi à la fin de la séance, le mois dernier en parfaite santé. »
Mais ce n’est pas tout.
M. Carrel, enhardi par ce premier succès, tenta de remplacer des portions entières de veines ou d’artères par des veines fraîches prélevées sur d’autres animaux.
Le 7 juin 1917, il transplanta un segment de veine jugulaire sur la carotide d’un chien. Le 28 octobre de la même année, la circulation est tout à fait normale. Le 1erfévrier 1919, le chien est tué dans une bataille avec ses compagnons. On constate que la veine s’est « artérialisée », que la ligne de suture est presque invisible.
« Cette série d’expériences est particulièrement intéressante, dit M. Pozzi. Elle est susceptible d’applications chirurgicales chez l’homme et on conçoit la possibilité de traiter les anévrismes par l’extirpation de la tumeur et son remplacement pour la carotide par un segment de la veine fémorale pris sur le sujet lui-même. »
Des greffes d’organes d’animal à animal furent également tentées avec succès par M. Carrel.
« J’ai vu deux chiens à qui le chirurgien avait temporairement enlevé puis replacé la rate. Ils se portaient bien, mais on ne peut encore se prononcer sur le résultat avant qu’ils aient été sacrifiés.
« Le rein gauche d’une chienne est extirpé le 6 février 1918. Au bout de quelques minutes, après avoir été lavé et plongé dans une solution de Locke, on le remet dans la cavité abdominale. La même opération est faite pour le rein droit quinze jours après.
« Or le 5 mai dernier, la chienne vint gambader autour de moi. Quelques jours avant, elle venait de mettre bas normalement onze petits.
« Des expériences plus audacieuses furent alors entreprises. En 1918, M. Carrel a réussi pour la première fois à greffer la jambe d’un fox-terrier récemment tué, à un chien qu’il venait d’amputer. Les muscles, les nerfs, les vaisseaux furent réunis les uns aux autres. Dans la jambe morte, la circulation cependant se rétablit. Le chien mourut vingt jours après l’opération, d’une bronchapneumonie.
« Au moment de ma visite, j’ai vu un autre chien noir greffé depuis trois jours d’une patte antérieurement blanche. L’état de l’animal était fort bon. »
Une question importante devait être résolue. Pour cette chirurgie de l’avenir, il fallait pouvoir disposer à tout instant de vaisseaux ou de membres de rechange, pour les utiliser au moment voulu.
M. Carrel a trouvé le moyen de conserver la vitalité des tissus à transplanter en les immergeant dans une solution chimique particulière et en les plaçant dans une glacière dont la température est maintenue constante entre zéro et un degré centigrade.
M. Carrel n’hésite pas à dire que des transplantations de membres pourront, dans un avenir prochain, être tentées sur l’homme avec des membres provenant d’une amputation ou du cadavre d’un individu mort de mort violente.
« Toutefois, ajoute M. Pozzi, M. Carrel déclare qu’il faut être d’une extrême prudence et ne pas conclure trop hâtivement de l’animal à l’homme. Aussi a-t-il résisté jusqu’ici aux instances de deux clients, qui, avec une audace tout américaine, sont venus le supplier l’un de remplacer son bras amputé, l’autre de substituer un rein sain à son rein brightique, en empruntant le membre ou le viscère au cadavre d’un supplicié.
« Dans l’état actuel de ces recherches, je ne me laisserais point, nous dit en souriant le professeur Pozzi, remplacer un rein malade par un rein sain; mais je crois que, sans hésitation, je me laisserais remplacer une artère par un morceau de veine fraîche, si un anévrisme me menaçait.
« Quoi qu’il en soit, conclut M. Pozzi, ce sont de beaux espoirs que donnent à la science de guérir les belles expériences de M. Alexis Carrel, et elles ouvrent la voie à une nouvelle chirurgie. »
{2} Essayez, et vous m’en direz des nouvelles !
{3} Une transformation physique comme celle de Chéri-Bibi devient, de nos jours, de plus en plus facile. Faut-il encore rappeler cet article du Daily Telegraph?
« Les chirurgiens des États-Unis peuvent maintenant passer commande et recevoir, dans l’espace de quelques heures, n’importe quelle partie, pour ainsi dire, du corps humain, lesdites parties leur étant livrées vivantes et en parfait état de croissance.
« De même qu’une ménagère de New York peut obtenir sur demande ses denrées de première nécessité, de même les chirurgiens américains peuvent être approvisionnés de parties du corps humain, de nerfs, d’artères, des plus petites glandes du corps, de cornées, de différentes parties osseuses, de cartilages, etc.
« Cette déclaration sensationnelle a été faite par le docteur Alexis Carrel, de New York, qui est à la tête du service des recherches à l’Institut Rockefeller, dans une réunion tenue à Atlantic City, et à laquelle assistaient les membres de l’Association médicale américaine.
« Le docteur Carrel fit une profonde impression sur l’assemblée en déclarant qu’il était maintenant possible d’assurer la persistance de la vie dans chacune des parties du corps après leur ablation, et ainsi de greffer ces parties du corps sur un autre corps et de transposer les chairs d’un corps sur un autre sans difficulté sérieuse, si l’opération est faite avec méthode.
« Le docteur Carrel commença ses expériences sur des animaux appartenant aux classes inférieures.
« Un morceau du coeur d’un poulet a continué de battre 104 jours après son ablation, et l’examen microscopique a révélé le fait que les tissus qui le composaient se développèrent pendant plus de cinq mois.
« Au cours de cette opération de transfert, la mort des tissus ne survient pas, et quand ceux-ci sont devenus partie intégrante d’un autre corps, la vie continue en eux.
« Des rapports cliniques, dit le docteur Carrel, montrent de façon très concluante que cette opération de transplantation donne toujours de bons résultats. »
« De sorte que, maintenant que les expériences ont été complètement vérifiées, il est possible au savant d’informer le corps médical que l’Institut est à même de donner satisfaction à ses commandes dans le plus bref délai possible.
« L’Institut, dit-il, est parfaitement à même d’exécuter des ordres pressés. Ainsi, dernièrement, il reçut de Chicago une demande de cartilage nécessitée par une opération dans le genou. Le cartilage fut expédié par exprès dans un appareil frigorifique, arriva en bon état et put être employé. Le malade recouvra l’usage de sa jambe, et, actuellement, il marche comme s’il n’avait jamais été malade. »