VI
 
ET LA PIROGUE SOMBRA

 

– Dites donc, reprit Dieudonné, avez-vous entendu parler du banc des Français ? C’est à « Niquiri », en Guyane anglaise. Là, généralement, les pirogues des forçats en route vers le Venezuela viennent s’asseoir.

– Et alors ?

– Eh bien ! le banc, c’est de la vase, et les forçats s’enlisent et meurent.

Nous non plus, on ne tardera pas à s’asseoir. Acoupa est mauvais marin. Il ne sait pas prendre la barre à la sortie du Mahury. Il entre dans la pleine mer comme un taureau dans l’arène, donnant de tous côtés, à coups de rames saoules. Enfin, grâce au « perdant », nous arrivons tout de même à la hauteur des îles Père-et-Mère.

Et le vent tombe. Et nous sommes forcés d’ancrer.

On voit deux barques de pêcheurs au loin. Nous entendons un moteur. C’est Duez dans sa pétrolette qui, de son île, va à Cayenne vendre ses légumes « frais ».