Et l’on voit arriver le petit jour. Nos yeux se remplissent d’espoir, nous ne sommes qu’à un kilomètre du dégrad.
– Allons à la nage chercher du secours, Jean-Marie !
Une planche sous la poitrine, nous partons ! Allégé, le radeau remonte, et les trois compagnons peuvent ramer avec leur main. Ils avancent !
Plus de fatigue ! Jean-Marie seul s’arrête. Un point le transperce au côté. Il ne peut plus nager. Il fait la planche, couché sur le flotteur. Je nage jusqu’au fort du courant. Mais je suis maté. Il faut connaître ces barres de Guyane pour me croire ! Près de nous, un barrage à poissons. Hurrah ! nous allons donc retrouver des hommes.
Nous montons sur le barrage.
– Oôôôô ! Oôôôô !
Un canot apparaît avec deux noirs.
– Oôôô !
Il approche.
– Cinquante francs ! hurlent les nègres.
Il y avait trente mètres jusqu’à la terre ! Je proteste. Ils s’en vont ! Je les rappelle !
Deux minutes après, nous touchons le sol.
Enfin nous trouvons à boire ! Et il y a des pastèques ! Que c’est bon !
Devant l’argent, les noirs se découvrent des âmes de sauveteurs. Ils vont chercher nos trois compagnons sur le radeau.
Les voici. Ce qu’ils boivent, eux aussi ! Ils donnent cinq francs aux noirs, toute leur fortune. Les noirs se fâchent, se tournent vers moi. Je refuse de payer.
Il y a là un vieux lépreux qui parle d’avertir la police de Remire.
Mais on se divise pour filer tout de suite : Menœil, Deverrer, Brinot d’un côté ; Jean-Marie et moi de l’autre. On se retrouvera à la nuit, dans la forêt. Nous savons où.
Nous sommes seuls au rendez-vous, le soir. Menœil, Deverrer, Brinot se sont fait reprendre par des chasseurs d’hommes, en longeant Remire, à quinze kilomètres de Cayenne…