{1} La presque totalité de cette œuvre fut écrite à Naples, l’hiver dernier (1832-1833).

{2} Ce que Sir Walter Scott a exprimé, avec un ferme bon sens, dans sa Préface à Ivanhoé (1ère édition) me semble au moins aussi applicable à un écrivain qui puise aux sources classiques qu’à celui qui emprunte au passé féodal. Que je puisse me servir de cette citation, et humblement, respectueusement me l’approprier ! : « Il est vrai que je ne puis ni ne saurais prétendre à l’observation (l’observance ?) d’une exactitude absolue en matière de costumes étrangers, et encore moins sur les points plus importants du langage et des comportements. Mais la même raison qui m’empêche d’écrire cette œuvre en anglo-saxon, ou en franco-normand [en latin ou en grec], et qui m’interdit de diffuser cet essai, imprimé en caractère de Caxton ou Wynken de Worde [écrit au roseau sur cinq parchemins roulés, et attachés sur un cylindre, et ornés d’une protubérance], exclut que je me limite à l’époque seule où mon récit se développe ; il faut, pour stimuler un intérêt quelconque, que le sujet traité soit, en quelque sorte, transposé dans nos actuelles façons de faire ou de penser. […] Par égard, donc, aux multitudes qui dévoreront, j’espère, ce livre avec avidité [hum !], j’ai expliqué ces comportements passés en mots actuels et détaillé mes personnages, leurs sentiments, si précisément que le lecteur ne puisse, du moins je l’espère, se trouver gêné par la sécheresse repoussante du seul passé. En tout ceci, j’affirme respectueusement n’avoir jamais dépassé les justes licences qu’autorise la fiction. […] Il est vrai, poursuivit mon maître, que ces licences sont circonscrites par leurs légitimes frontières ; l’auteur doit refuser tout anachronisme. »

Qu’ajouter à ces observations judicieuses et avisées ? Ce sont, régulateurs de toute fiction décrivant le passé, les canons d’une vraie critique.

{3} Muraenae : lamproies.

{4} Les Italiens d’aujourd’hui, surtout ceux des régions les plus méridionales, ont une particulière horreur des parfums ; ils les considèrent comme extrêmement malsains et la Romaine ou la Napolitaine demande à ses visiteurs de s’en abstenir. Fait fort étrange, cette narine si susceptible au moindre parfum, se trouve étonnamment close à son opposé. On peut littéralement appeler Rome « Sentina Gentium » : la sentine des nations.

{5} Naples.

{6} Leaena, l’héroïque maîtresse d’Aristogiton mise à la torture, se coupa la langue avec les dents de crainte que la douleur ne lui fit trahir la conspiration contre les fils de Pisistrate. Au temps de Pausanias, on voyait la statue d’une lionne élevée en son honneur à Athènes.

{7} Les Romains avaient des chambres disposées non seulement pour le repas de la nuit mais pour celui du jour pour la sieste (cubicula diurna).

{8} Dans les majestueux palais de Rome, le salon de peintures communiquait avec l’atrium.

{9} Lorsque les anciens avaient de plus nombreux convives, le festin avait lieu ordinairement dans la grande salle.

{10} Le triclinium était aussi fermé à volonté par des portes à coulisses.

{11} Le bois le plus estimé mais non le moderne citronnier. Mon savant ami M. S. Landor suppose avec beaucoup de probabilité que ce bois était l’acajou.

{12} On pourrait écrire un traité bien curieux et fort intéressant sur les parasites en Grèce et à Rome plus vils là qu’ici. Les épîtres d’Alciphron racontent de manière fort piquante les avanies subies en contrepartie d’un repas : quelqu’un s’y plaint d’avoir été atteint aux yeux de la sauce du poisson, de coups à la tête et d’avoir eu à manger des cailloux barbouillés de miel cependant qu’une courtisane lui lançait à la figure une vessie emplie de sang qui éclata en le couvrant de son flot. Ces parasites s’acquittaient de l’hospitalité de leur hôte en racontant comme les invités des tables actuelles des mots d’esprit et d’amusantes histoires ; parfois ils se livraient entre eux à quelques farces, « se donnant des taloches ». Les magistrats athéniens semblent avoir jugé très sévèrement ces pauvres bouffons, qui sans la moindre résignation philosophique, se plaignent d’emprisonnement et de coups de fouet. En fait le parasite athénien semble avoir répondu au même propos que le fou médiéval ; mais, quoique peut-être plus spirituel, il eut moins d’importance ; personnage propre à la Grèce, associé des courtisanes, il mêlait proxénétisme et bouffonnerie. Les comiques latins se servent abondamment du parasite qui paraît avoir joui à Rome d’un rang cependant quelque peu supérieur et y avoir subi un traitement un peu plus doux qu’à Athènes. Ainsi chez Térence, dont la description des coutumes athéniennes adoucit sans doute tout ce qui aurait pu être excessif pour le goût romain, ne trouve-t-on pas de profil aussi vil et aussi méprisable que les parasites d’Alciphron ou d’Athénée. Les Romains, effectivement plus hautains et plus exigeants, dédaignèrent souvent d’admettre de tels bouffons comme compagnons et, comme on peut le noter dans les épîtres de Pline, ils engagèrent fous et saltimbanques pour distraire leurs invités et satisfaire à la finalité du parasite grec. À remarquer que, lorsque Claudius est qualifié dans ce récit de parasite, le lecteur doit retenir le sens actuel et non ancien de ce mot.

 

Reflet très faible mais très flatteur du parasite était l’umbra, l’ombre qui accompagnait toute personne dûment invitée et qui homme parfois de même condition, était le plus souvent un parent pauvre ou un ami modeste ; en terme actuel, un lèche-botte. Tel est l’umbra de notre ami Claudius.

{13} Le coup le moins avantageux au jeu de dés canes ou caniculae.

{14} La loi interdisait tout jeu de hasard (Vetita legibus alea Horace Odes XXIV 1 3) excepté pendant les Saturnales, au mois de décembre. Les édiles étaient chargés de l’application de cette loi, qui comme toute loi anti-jeux resta totalement sans effet.

{15} Narcisse.

{16} Sylla est réputé avoir transporté en Italie le culte d’Isis l’Égyptienne, culte qui fit vite fureur et devint singulièrement à la mode chez les dames romaines. La prêtrise de la déesse faisait vœu de chasteté et comme toute fraternité semblable fut célèbre pour ses débauches. Juvénal désigne les prêtresses d’une dénomination « Isicae lenae » indiquant combien elles furent ouvertes aux amants et comment sous le manteau de la nuit plus d’une intrigue amoureuse se déroula aux abords des temples sacrés. Une matrone fit vœu de veiller un certain nombre de nuits auprès de l’autel d’Isis ; sacrifice de continence vis-à-vis de son époux qu’elle octroya à son amant ! Tandis qu’une pulsion de la nature humaine était ainsi séduite, une autre à peine moins forte était asservie à la déesse à savoir : la crédulité. Les prêtres d’Isis prétendirent connaître et la magie et l’avenir. Les magiciens égyptiens furent consultés et vénérés comme des oracles aussi bien par des femmes de toute classe sociale que par beaucoup de membres du sexe fort. Voltaire essaie avec une bien plausible ingéniosité de prouver que les Gitans sont des survivants des anciens prêtres et prêtresses d’Isis mâtinés de ceux de la déesse syrienne. À l’époque d’Apulée, ces révérés imposteurs avaient perdu toute dignité et toute importance ; méprisés, pauvres, ils erraient vendeurs de prophéties et soigneurs de maux ; et Voltaire nous invite astucieusement à remarquer qu’Apulée n’a pas oublié leur grande habileté à chaparder dans les dépendances et les cours – par la suite, ils pratiquèrent la chiromancie et des danses singulières (danses bohémiennes ?). «Ainsi conclut trop rapidement le Français, se termina la religion d’Isis et d’Osiris, dont les seuls noms nous inspirent toujours une crainte respectueuse.» Cependant à l’heure où se déroule mon histoire le culte d’Isis était à son zénith et les très riches fidèles dépêchaient des envoyés jusqu’au Nil pour pouvoir arroser de ses eaux chargées de mystères, les autels de la déesse. J’ai introduit l’ibis dans la description du temple d’Isis, bien qu’il ait été supposé que cet oiseau dépérissait et mourait après son départ d’Égypte ; mais pour de multiples raisons trop longues à énumérer ici, j’ai tendance à croire que ce volatile ne fut nullement rare dans les temples italiens d’Isis, quoiqu’il n’y vécut point longtemps et refusa de se reproduire sous un climat étranger.

{17} Euripide.

{18} Les Romains envoyaient comme nous des billets d’invitation qui indiquaient l’heure du festin. Si c’était une fête extraordinaire, on s’assemblait une heure plus tôt que d’habitude.

{19} Les fouilles faites à Pompéi ont démontré l’erreur longtemps en crédit chez les antiquaires à savoir que les vitrages étaient inconnus aux Romains. L’usage, il est vrai, n’en était pas commun parmi les classes moyennes et inférieures dans leurs habitations.

{20} La plus belle des Naïades.

{21} Hésiode.

{22} C’est peut-être la porcelaine de Chine. Mais cette opinion a droit d’être discutée.

{23} Un des noms de Bacchus du grec LUO, délier, relâcher.

{24} L’endroit où l’on traînait ceux qui étaient tombés morts ou mortellement blessés dans l’arène.

{25} Miles gloriosus, acte I. Pour le dire d’une façon moderne : « Il a servi sous Bombastès Furioso ».

{26} Des femmes combattaient parfois dans l’amphithéâtre. Même celles qui étaient de noble naissance nourrissaient cette douce ambition.

{27} Fils de Neptune : Expression latine pour un compagnon féroce et bruyant.

{28} Les marchands d’esclaves thessaliens étaient renommés pour l’enlèvement d’individus de bonne famille. Ils n’épargnaient pas toujours leurs propres compatriotes. Aristophane se moque cruellement des Thessaliens, considérés traditionnellement comme perfides, pour leur inextinguible soif du gain, grâce à ce trafic de chair humaine.

{29} Le lecteur ne confondra pas les sestertii (pluriel de sestercius) avec les sestertia (pluriel de sestertium). Le sestertium qui était, en fait la multiplication de l’unité monétaire sestertius, en avait mille fois la valeur.

{30} Athénée dit : « Le véritable temple de l’Amour est la maison de la personne aimée. »

{31} Le croyant tirera de cette vague coïncidence des corollaires bien différents de ceux de l’Égyptien.

{32} Platon.

{33} La carapace d’une tortue fut trouvée dans la maison que nous assignons dans cet ouvrage à Glaucus. Je ne sais si on l’a conservée, je l’espère.

{34} Les restes merveilleux de la statue ainsi désignée sont dans le musée Borbonico. La figure, pour l’impression et pour les traits, est la plus admirable de toutes celles que les sculpteurs antiques nous ont laissées.

{35} Térence.

{36} Quand sir Walter Scott visita la cité de Pompéi, en compagnie de sir William Gell, il ne fit guère entendre d’autre exclamation que celle-ci : « La Cité de la Mort ! la Cité de la Mort ! »

{37} Stabies n’était déjà plus une cité, mais un lieu de plaisance pour les villas des gens riches.

{38} Arides et brûlés.

{39} Célèbre rendez-vous des sorciers, à Bénévent. Le serpent ailé qui y était suspendu, longtemps objet d’idolâtrie, était probablement consacré par les superstitions égyptiennes.

{40} Les avocats, et les clients qui accompagnaient leurs patrons, gardaient la toge, dont la mode était déjà passée parmi le reste des citoyens.

{41} Il y a dans le musée de Naples une peinture peu connue, qui représente un côté du forum de Pompéi, tel qu’il existait, et à laquelle j’ai eu recours pour cette description.

 

… Mes plus jeunes lecteurs pourront trouver une savante consolation en apprenant que la cérémonie du « hoisting », plus souvent négligée qu’observée, est d’une haute antiquité. Elle semble avoir eu lieu, publiquement et avec une vigueur toute légitime, sur le forum de Pompéi.

{42} Cette superstition, à laquelle je fais allusion plus d’une fois dans cette œuvre, fleurit encore en Grande Grèce avec presque autant de vigueur. Je me souviens avoir été, à Naples, en conversation avec une dame du plus haut rang, à l’intelligence et aux connaissances exceptionnelles pour des nobles Italiens de l’un ou l’autre sexe, lorsque je la vis soudain changer de couleur et faire un mouvement du doigt rapide et singulier :

 

– Mon Dieu, cet homme ! chuchota-t-elle.

 

– Quel homme ?

 

– Voyez ! Le comte… ! Il vient d’entrer !

 

– Il devrait être flatté de provoquer telle émotion ; sans doute a-t-il été l’un des admirateurs de la Signora ?

 

– Admirateur ! Dieu me préserve d’une telle chose ! Il a le mauvais œil. Son regard s’est posé sur moi ! Quelque chose d’affreux va certainement se produire.

 

– Je ne vois rien de remarquable dans ces yeux.

 

– Ce n’en est que pire. Dissimulé, le danger n’en est que plus grand. C’est un homme terrible. La dernière fois qu’il regarda mon époux, ce fut lors d’une partie de cartes et mon mari perdit la moitié de ses revenus à cette séance ; sa malchance y fut anormale. Puis le comte rencontra mon jeune fils dans les jardins, et le pauvre enfant se rompit le bras le même soir. Oh ! que vais-je faire ? Quelque chose d’affreux va sûrement survenir. Ah ! ciel ! il regarde ma coiffe !

 

– Est-ce que chacun trouve les yeux du comte aussi funestes, et son admiration aussi angoissante ?

 

– Oui, chacun ; il est universellement redouté ; et, fait étrange, il est tellement fâché s’il s’aperçoit que vous l’évitez !

 

– Très étrange, de fait ! L’infortuné !

 

À Naples, la superstition sert bien les bijoutiers ; tant de charmes et de talismans vendus contre l’attrait sinistre du « male-occhio »! À Pompéi, il y eut aussi beaucoup de talismans, mais pas toujours d’une forme aussi élégante, ou d’un caractère aussi décoratif. Mais, de manière générale, un ornement de corail était, comme maintenant, ce que l’on préférait pour conjurer l’influence maléfique. Les Thraces du Pont furent supposés avoir un droit héréditaire à cette charmante faculté qui les rendait susceptibles de tuer, même, et d’un seul coup d’œil, un homme fait. En Afrique, où cette croyance persiste encore, certains groupes pouvaient non seulement abattre des enfants, mais aussi assécher des arbres sur pied, ce qu’ils faisaient au milieu des louanges et non des malédictions. Cet « oculus malus » ne différait pas toujours des autres yeux ; mais on dut surtout fuir et craindre les personnes, surtout du beau sexe, dont cet organe possédait une pupille redoublée. On disait les Illyriens possesseurs de cette difformité fatale. Dans tous les pays, même ceux du nord, l’œil a toujours été considéré comme le siège principal de la fascination ; mais de nos jours, des dames parviennent aussi sans trop de peine à faire ravage. En quoi, nous faisons mieux que nos ancêtres !

{43} Allusion aux Dioscures, ou les Gémeaux, divinités protectrices des marins.

{44} Plusieurs bracelets, des chaînes et des bijoux, ont été trouvés dans la maison de Glaucus.

{45} À Pompéi, une rude esquisse de Pluton peint cette terrible divinité sous la forme que nous donnons actuellement au diable, et le décore de la corne et de la queue. Mais, selon toute probabilité, c’est du mystérieux Pan, de ce dieu ami de la solitude, et qui inspirait d’étranges terreurs, que nous avons tiré la forme extérieure attribuée au démon ; c’est l’image exacte de Satan au pied fourchu. Les rites dissolus du dieu Pan ont pu aider d’ailleurs les chrétiens à retracer les artifices du diable.

{46} « Le Cynique hautain a froncé le sourcil, le cœur plein de haine et le doux enfant du jardin d’Épicure, entouré de roses, a souri d’incrédulité. Et puis, tout comme il a souri, il a frissonné. » (Prud : Poème couronne, « Athènes »).

{47} Il y a une autre auberge dont les murs sont également ornés de ce signe.

{48} « Prends ton lit et marche », n’était pas, comme le fait remarquer W. Gell, une expression métaphorique.

{49} Dans les fêtes publiques et dans les jeux, il y en avait de plus somptueuses et de plus coûteuses, à quatre roues, et qu’on nommait pilentum.

{50} Ils avaient aussi la sella, où ils étaient assis comme nous.

{51} Une idée toute particulière de sainteté était attachée par les Romains aux serpents, de même que chez les anciens peuples ; ils en avaient d’apprivoisés dans leurs maisons et ils les admettaient même à leur table.

{52} Les Etrusques (il est inutile de le dire) étaient célèbres par leurs enchantements… Arbacès leur attribue faussement une origine égyptienne. Mais les Égyptiens se targuaient d’être les ancêtres de presque toutes les races les plus illustres. Il ne manque pas d’ailleurs de savants modernes pour conforter, avec autant de crédulité, leurs prétentions.

{53} La dactylomancie, la crystallomancie, la téphromancie, la botanomancie.

{54} Voir une nymphe, selon un classique et populaire dicton, provoquait la folie.

{55} Au tout début de l’ère chrétienne, les philosophies païennes, spécialement pythagoricienne et platonicienne, furent altérées et frelatées par un mysticisme insensé et, aussi, par des aspirations à la magie des plus chimériques. De fait, Pythagore ne pouvait guère mériter une plus noble fin ; homme, certes, extrêmement intelligent, il fut aussi un saltimbanque tout à fait exceptionnel et exactement formé à être le fondateur d’une école de magiciens ; il cultiva lui-même la magie, ou s’en arrogea les attributs, et ses successeurs répandirent des récits merveilleux à propos de ces écrits apparaissant, à même la face de la lune, à plusieurs endroits au même moment. Ses règles d’or et sa cuisse d’or furent particulièrement vénérées en Grande Grèce et, à partir de ses doctrines sur les nombres occultes, ses disciples en tirèrent de nombreuses autres.

 

Le plus remarquable de ces imposteurs fut Apollonios de Tyane, auquel mon récit se réfère. Toutes sortes de prodiges accompagnèrent la naissance de ce monsieur, à la mère, encore enceinte, Protée, le dieu égyptien, avait prédit que, par cet accouchement, il allait, lui-même, réapparaître au monde (dès lors, comment ne pas considérer Protée comme détenteur de pouvoir de transformation !) Apollonios comprit la langue des oiseaux, lut les pensées humaines au fond des cœurs et promena un démon familier ; sacré diable parmi les diables, il incita une foule à lapider, mine vénérable et quémandeuse, un démon que cet acte lapidaire transforma en un énorme chien. Il ressuscita des morts, passa une nuit avec Achille, et, à l’instant de l’assassinat de Domitien, alors qu’il était, lui, à Ephèse, il s’écria : « Frappez le Tyran ! ». La fin d’un si grand, d’un si honnête homme fut digne de sa vie : il semblerait qu’il monta au ciel : pouvait-on attendre moins de celui qui avait lapidé le diable ! Au cas où un écrivain anglais médite un nouveau Faust, je lui recommande Apollonios.

 

Encore des magiciens de ce genre furent-ils des philosophes (!), de pieux et excellents hommes ; il y en eut d’autres avec des connaissances bien plus ténébreuses et redoutables : les disciples de la Magie Goétie, autrement dit de l’Œuvre Noir. Il semble que Goétie et Théurgie soient toutes deux issues d’Égypte (et il est assuré que leurs praticiens affectèrent de s’enorgueillir d’avoir tiré leurs grands secrets de cette source ancienne), et toutes deux ont un lien avec l’astrologie. En dotant Arbacès de connaissances et réputation en magie, et en sciences des astres, je suis donc en total accord avec l’esprit de son temps et les circonstances de sa naissance : il est tout à fait représentatif de son époque. En un certain moment, je projetai de développer et narrer plus en détail les compétences d’Arbacès dans la maîtrise de son art et d’initier le lecteur aux diverses magies de cette période, mais au fur et à mesure que le héros égyptien prenait forme, je trouvais important de faire l’économie d’une machinerie que chacun, la science progressant, peut s’imaginer connaître. Tel qu’il est devenu, Arbacès est une créature trop intellectuelle pour permettre la fréquente répétition du plus grossier et du plus physique matériel de terreur. J’ai donc accepté qu’Arbacès ne montre ses capacités que dans les secrets les plus élémentaires et les plus simples de son art, et laisse dans le mystère et l’ombre, la magie très raffinée dont il dispose.

 

Quant à la pythonisse du Vésuve, ses incantations et ses philtres, sa caverne et ses accessoires, si familiers soient-ils à nous Nordiques, ils n’en sont pas moins fidèles à leur temps et à leur origine. Le lecteur instruit se souviendra avec ravissement d’une ensorceleuse d’un caractère plus gai et au comportement moins ascétique, celle de L’Âne d’or d’Apulée ; je conseille au lecteur moins averti cette charmante histoire traduite avec tant de verve par Taylor.

{56} Une ancienne loi romaine défendait d’avoir une femme pour héritière. On éludait cette loi en assignant sa fortune à un ami pour la remettre à sa fille ; mais l’ami pouvait garder cette fortune si cela lui plaisait. La loi était, au reste, tombée en désuétude à l’époque où se passe cette histoire.

{57} Plaisante et courante apostrophe pour le mot latin en trois lettres : « Fur » (voleur).

{58} L’attagen de Phrygie ou d’Ionie était un oiseau un peu plus gros qu’une perdrix, et particulièrement estimé des Romains. (Attagen carnis suavissimae), Athénée, liv. IX, chap. 8 et 9.

{59} Candiduli divin tomacula porci. Juvénal, X, 1315. Délicate espèce de saucisse.

{60} Titre pompeux du chef de cuisine.

{61} On trouve, peut-être, en Sicile la plus belle espèce de papillons.

{62} On appelait musca (mouche) les convives qui déplaisaient ou qui se présentaient sans invitation.

{63} Convive parasite qui applaudissait à ses paroles en les répétant.

{64} Les mitres étaient quelquefois portées par des hommes, et regardées comme la marque d’une nature efféminée.

{65} Dans les grands repas, les femmes étaient assises et les hommes couchés. Ce n’est que dans le sein des familles que la même liberté était accordée aux femmes comme aux hommes. La raison en est évidente.

{66} Périoste de la surface externe du crâne.

{67} Cette danse est encore en usage dans la Campanie.

{68} Bacchus.

{69} Cette ode a été suggérée par la vue de deux peintures pompéiennes du musée de Naples, représentant une colombe et un casque que des amours placent sur un trône.

{70} Selon Plutarque (Sympos., livre I), il semble que la branche de myrte ou de laurier ne passait pas dans l’ordre mais plutôt de la première personne d’un lit à la première personne d’un autre ; puis, de la seconde personne du premier lit à la seconde personne d’un autre ; et ainsi de suite.

{71} On a trouvé à Pompéi plusieurs dés pipés. Sans doute quelques-unes de nos vertus sont-elles modernes mais, pour nos vices, il est clair qu’ils sont tous anciens.

{72} Elles président aux bois et aux montagnes.

{73} De ce style provient sans doute le stylet des Italiens.

{74} Pline, Ep. II, 11,12 ; V. 4,13.

{75} Lettre initiale du mot THANATOS (mort), qui servait à condamner chez les Grecs, comme le C chez les Romains.

{76} Si un criminel pouvait trouver un répondant (nommé « vas » pour un crime capital), il n’était enfermé en prison qu’après la sentence.

{77} C’était un usage plutôt grec que romain ; mais le lecteur remarquera que, dans les villes de la Grande Grèce, les coutumes et les superstitions des Grecs s’étaient mêlées à celles des Romains.

{78} Le lecteur le plus étourdi a à peine besoin qu’on lui rappelle que le mort ne peut traverser le Styx qu’après l’accomplissement des rites funéraires.

{79} Pline, II, 37.

{80} Dans les maisons des grands, chaque appartement avait ses esclaves particuliers.

{81} Boutiques de parfumeurs.

{82} Ces oiseaux, croit-on, connaissaient tous les secrets. On trouve la même croyance en Orient, et dans les légendes nordiques.

{83} Pline raconte qu’immédiatement avant l’éruption du Vésuve, l’un des « decuriones municipales » fut, bien que le ciel fût sans nuages, frappé mortellement par la foudre.

{84} C’est dans l’atrium, comme je l’ai çà et là observé, que l’on recevait fréquemment une assistance plus nombreuse que d’habitude.

{85} La doctrine d’Épicure lui-même est simple et limpide. Loin de nier l’existence de pouvoirs plus divins, Velleius (défenseur et interprète du philosophe dans le dialogue de Cicéron sur la nature des dieux) affirme que : « Épicure fut le premier à dire qu’il y avait bien des dieux, à partir de l’empreinte que la Nature laisse dans l’esprit de chaque homme. » Il imagina la croyance en la Divinité comme une notion innée ou antérieure à l’esprit, doctrine dont des métaphysiciens modernes (certes, pas épicuriens) se sont grandement servis ! Il était convaincu que l’adoration tournée vers les puissances divines était issue de cette vénération inspirée par leur béatitude et leur supériorité, et non par la crainte de leurs vengeances ou l’appréhension de leurs pouvoirs ; philosophie hardie et sublime, accordée à une poignée peut-être de grands esprits raffinés, mais incapable de mettre un frein aux pulsions de l’ensemble des humains. Selon Épicure, les dieux étaient bien trop agréablement plongés dans leur propre béatitude pour être affectés des chagrins, des joies, des querelles et soucis, des mesquines et éphémères affaires humaines ; vis-à-vis de notre monde, étrangers indifférents enveloppés de majesté divine, sauraient-ils apercevoir ce dont on dîne ? Cotta qui, dans le dialogue cité ci-dessus, s’en prend à la philosophie d’Épicure de manière très enjouée et des succès conséquents quoique inégaux, esquisse ainsi le corollaire évident et pratique de la théorie de la non-interférence des dieux : « Comment peut-il y avoir sainteté, si les dieux sont étrangers aux affaires humaines ? Si la Divinité ne saurait montrer de bienveillance envers l’homme, congédions-la tout de suite. Pourquoi la requérir de m’être favorable ? – ce qu’elle ne saurait être, puisque, selon vous, faveur et bienveillance sont seulement effets de la faiblesse d’esprit. » Et Cotta de citer Posidonius (De natura deorum) comme preuve qu’Épicure ne croyait pas réellement à l’existence de dieux, que sa concession d’un être totalement futile n’était que précaution contre l’accusation d’athéisme. « Épicure ne saurait avoir été si sot, énonce Cotta, que de croire à quelque Divinité dotée d’un corps humain et impuissante à s’en servir ; transparence sans consistance, aveugle à chacun et ne pouvant rien. » Et, vrai ou faux pour Épicure, il est certain que ses disciples plus tardifs furent, à tous égards, de stricts athées. Les sentiments articulés dans les vers du texte sont précisément ceux qu’expriment dans leur sombre prose les élégants philosophes du Jardin, qui, après avoir perverti complètement la limpide et pragmatique morale d’Épicure, trouvèrent tâche plus aisée de corrompre sa métaphysique visionnaire et pleine d’embûches.

{86} On peut supposer que les exhalaisons produisent le même effet que celles de la grotte du chien.

{87} Les chevaliers étaient assis immédiatement après les sénateurs.

{88} Gladiateurs entretenus par l’empereur.

{89} On se servait du roseau (calamus) pour écrire sur le papyrus ou sur le parchemin, et du style pour écrire sur des tablettes de cire ou des plaques de métal. Les lettres étaient écrites quelquefois sur le papyrus, quelquefois sur des tablettes.

{90} C’étaient ordinairement les matelots qui tendaient les velaria.

{91} Pline.

{92} Eclairs volcaniques. Ces phénomènes caractérisèrent surtout la longue éruption de 1779, et l’éruption beaucoup plus terrible que nous décrivons si imparfaitement en a laissé des traces encore visibles.

{93} On a trouvé à leurs postes les squelettes de plusieurs sentinelles.

{94} Pline.

{95} Dion Cassius.

{96} Des esprits ingénieux ont avancé des théories diverses sur l’exacte façon dont Pompéi fut détruite ; j’ai opté pour celle qui est la plus souvent admise et qui, après étude stratigraphique, semble s’imposer à tout esprit censé : aidée par des tremblements de terre partiels, une destruction par pluies de cendres et d’eaux bouillantes, accompagnées d’éruptions fréquentes de pierres énormes. Herculanum, au contraire, semble avoir non seulement reçu des pluies de cendres, mais avoir été inondée de laves en fusion ; et les flots dont parle le texte doivent être considérés comme destinés à cette cité plutôt qu’à Pompéi. La foudre volcanique, introduite dans ma description, participa manifestement à la ruine de Pompéi. Papyrus et autres matières plus inflammables y ont été retrouvés à l’état carbonisé ; des objets métalliques furent partiellement fondus ; et une statue de bronze fut brisée, comme par la foudre.

 

Dans l’ensemble, mise à part l’inévitable licence poétique raccourcissant la durée du cataclysme, je tiens ma description de cet effroyable événement devoir peu à l’invention et ne pas manquer d’exactitude malgré sa forme romancée.

{97} « Une épaisse pluie de cendres tombait sur nous, et nous étions obligés de nous en débarrasser d’instant en instant, sans quoi nous eussions été écrasés, engloutis sous leurs amas. » (Pline).

{98} Dion Cassius.

{99} Ce que, aujourd’hui, nous nommons, et sentons être « sentiment » en amour, fut peu connu des Anciens et le reste, même de nos jours, en dehors du monde chrétien. C’est une émotion intimement liée non à la croyance, mais à la « conviction » que la passion appartient à l’âme et est, comme l’âme, immortelle. Chateaubriand, dans son essai si plein et d’erreurs et de vérités, Le Génie du christianisme, nous a, avec son habituelle éloquence, entretenu de ce sentiment. Il établit, de fait, une distinction foncière entre la poésie de l’amour chez les Anciens et chez les Modernes. Et j’ai cru pouvoir, en accord avec la nature et la vérité, prêter à Glaucus, après sa conversion, la conscience de ce sentiment, même s’il ne pouvait qu’en soupçonner, et non pas expliciter, la cause.

{100} Détruite en 79, découverte en 1750.

{101} À l’heure actuelle (1834), environ trois cent cinquante à quatre cents squelettes ont été découverts à Pompéi ; mais puisqu’une grande partie de la ville reste à fouiller, nous pouvons difficilement calculer le nombre de ceux qui périrent pendant la destruction. Cependant, il y a toute raison de croire qu’ils furent peu nombreux par rapport aux rescapés. De nombreuses maisons avaient manifestement été dégagées de leurs cendres afin d’y récupérer tout trésor épargné ; parmi celles-ci, la maison de notre ami Salluste. Ils furent trouvés exactement comme les décrit mon texte, ces squelettes que le lecteur a eu le plaisir de voir réanimés pour un instant, jouer leur rôle fugace sous les noms de Burbo, Calénus, Diomède, Julia et Arbacès ; puissent-ils avoir été réanimés avec plus de bonheur pour le plaisir du lecteur qu’ils ne l’ont été pour la joie de l’auteur, qui, quant à lui, chercha vainement dans cette œuvre maintenant achevée à adoucir la période la plus douloureuse, la plus sombre, la plus désespérée d’une vie à la trame tissée de moins de fils blancs qu’on peut le penser ! Mais, comme bien d’autres compagnons, l’imagination se montre capricieuse et nous délaisse souvent au moment où nous en avons le plus besoin. Consolatrice plus fidèle, plus constante, apprenons-nous en vieillissant, est l’habitude. Mais je devrais m’excuser de cette complaisance subite et déplacée pour une faiblesse momentanée, momentanée seulement. Avec la santé retrouvée revient cette énergie sans laquelle l’âme nous eût été donnée en vain et qui nous permet de faire face tranquillement aux malheurs de notre existence et d’en accomplir résolument les objectifs. À travers mille écoles, il n’est qu’une philosophie ; son nom est Force d’âme.

 

ENDURER, C’EST CONQUÉRIR NOTRE DESTIN !