Et c’est ainsi que Max Réal, sans le souci des heures et des jours qui s’écoulaient, fit provision d’impérissables souvenirs devant le spectacle de ces magnificences. Il visita en touriste infatigable les environs du lac Yellowstone, les bassins aux ondes empourprées qui l’avoisinent, échevelées d’algues aux éclatantes couleurs. Il remonta dans le nord jusqu’à cet éblouissant étalage des vasques des Mammoth Springs. Il se baigna dans leurs piscines basaltiques, disposées en demi-cercle, emplies d’eau tiède, et entourbillonnées de vapeurs. Il s’étourdit aux fracas tumultueux des deux cataractes du Yellowstone, qui, pendant un demi-mille, en chutes, en rapides, en cascades, s’épanchent à travers un lit resserré, éperonné de roches laviques, pour finir au milieu d’une poussière liquide par un saut de cent vingt pieds. Il circula entre les trous à feu qui bordent le torrent du Fire Hole. Là, dans cette vallée rongée par l’impétueux tributaire de la Madison, se chiffrent par centaines les sources chaudes, les fontaines de boue, les geysers avec lesquels ne peuvent rivaliser les plus célèbres de l’Islande.
Et quel panorama développe aux regards, le long de ses rives, ce sinueux et capricieux Fire Hole, sorti d’un lagon, en se déroulant vers le nord. À tous les étages des massifs qui s’abaissent jusqu’à son lit se succèdent les cratères d’où fusent les geysers aux dénominations descriptives. Ici c’est l’Old Faithful, le « Vieux Fidèle », avec ses jets réguliers, dont la fidélité commence à décroître par suite d’intermittences moins précises. Là, c’est le « Château-Fort », sur le bord d’un étang marécageux, en forme de vieux donjon, dont les murs s’inondent sous la pluie de ses vapeurs condensées. C’est la « Ruche », puits monstrueux dont la margelle s’élève au-dessus du sol comme un tronçon de tour, le « Grand Geyser », qui met un intervalle de trente-deux heures entre ses éruptions, le « Géant » dont les liquides panachés flottent à cent vingt pieds, moins puissant que la « Géante », qui porte les siens à plus du double.
Dans le bassin supérieur se déploie l’« Éventail », avec ses lamelles parées de toutes les nuances de l’arc-en-ciel, lorsque les rayons solaires s’y réfractent. Non loin, l’« Excelsior », dont la colonne centrale, sur une circonférence d’une trentaine de toises, s’élève à soixante, en évacuant, dans les poussées de sa formidable gerbe, des débris de pierres et de laves arrachés à l’écorce terrestre. À un mille de là, se rencontre le « Geyser de la Grotte », ou plutôt « de la Source », qui couronne de ses aigrettes aqueuses d’énormes blocs en arcades, orifices des sombres cavités où travaillent incessamment les forces plutoniennes. Enfin, le « Blood Geyser », expectoré d’un cratère aux parois d’argile rougeâtre qu’il délaie au passage, semble s’épanouir en gerbe de sang.