– Départ pour la grande rivière. – Palmier-nain. – Le miraca ou l'arbre à cire. – Félix fait des bougies. – Occupations du second hiver. – L'arc et les flèches. – Félix pleure en pensant à sa mère. – Retour du printemps. – Progrès du jardin. – II faut une table et des bancs.
Mes chèvres avaient mis bas ; je me déterminai à élever les petits et à tuer les plus vieux boucs pour avoir leurs peaux et me nourrir de leur chair pendant l’hiver. J’avais perfectionné la manière de saler et de préparer les viandes pour les conserver ; je ne manquais pas de vases d’écaille ; ainsi je pouvais faire de plus fortes provisions et m’assurer de bons potages pour la mauvaise saison. Je prenais une multitude de petits oiseaux avec des lacets ; je les faisais rôtir à moitié, et je les couvrais de graisse fondue, de sorte que, l’air n’y pouvant pénétrer, ils ne se gâtaient pas ; j’en ai conservé de cette manière pendant près de six mois. Je ne fus pas si heureux dans les essais que je fis pour me procurer de la lumière. La graisse de bouc s’éteignait dans ma lampe, et, de quelque manière que je m’y prisse, je ne pus parvenir à la faire brûler. Cependant la saison pluvieuse approchait ; je ne voyais pas sans beaucoup de chagrin qu’il faudrait passer une grande partie des jours dans une triste obscurité. Cette idée accablante pensa me faire perdre courage, et me laisser écouler dans l’inaction le reste des beaux jours. Je me reprochai bientôt cette faiblesse, et, me soumettant à la loi de la nécessité, je me décidai à faire, avant l’hiver, une excursion sur le bord de la grande rivière, que je n’avais pas visitée cette année.