LA SOIF

Sous la tente – ô ma bien-aimée – ce soir je t’attends.

Kérim ! Prends mon étendard et dresse-le en bannière d’allégresse au plus haut de ma tente.

Combien de lunes se sont-elles inscrites au firmament depuis que je suis altéré de toi – ô ma bien-aimée – car le sang répandu de mes ennemis n’a pas étanché la soif de mon cœur.

Le crépuscule guette déjà le jour expirant. Le soleil lance déjà son adieu royal dans une chevauchée flamboyante de nuages. Les voiles du soir s’étendent un à un sur la journée lassée ; ils enclosent de ténèbres les bouches convulsées des mourants et recueillent dans leurs plis silencieux le dernier cri de rage des vaincus.

Kérim ! Au sommet de la dune surgit la caravane, gardienne de mon trésor vivant !

Le vent du désert s’est levé. Assure-toi si son souffle fait fête à mon étendard déployé.

Ô mon cœur, mon cœur durci aux batailles, vos battements ont retrouvé le printemps de ma jeunesse défunte.

Kérim ! Le vent du désert fait rage. Sors de la tente et vois si mon étendard résiste à son souffle désordonné. L’étendard claque au vent – ô chérif – et chaque ondulation conte à la terre tes victoires.

Kérim ! Kérim ! Le vent du désert souffle en tempête. Va, jeune homme, soutenir de ton bras mâle l’étendard triomphateur.

Kérim obéit à son maître.

Il soulève la portière de la tente.

Et le sable l’aveugle.

Il franchit le seuil de la tente

Et la nuit l’enveloppe.

Il avance pour soutenir l’étendard

Et Safiah, l’Attendue, étanche sa soif à ses lèvres.