Il était maintenant huit heures du soir. Une heure auparavant était arrivée dans la cour du Cheval Blanc une chaise de poste d’où le citoyen François Chabot, représentant du peuple à la Convention pour le département de Loir-et-Cher, était descendu. L’hôtelier l’avait accueilli avec tous les égards dus à sa situation élevée, et lui avait fait servir à souper dans la grande salle à manger, en compagnie du petit homme pâle connu familièrement à l’hôtellerie sous le nom de citoyen Armand.
Assise à une autre table, Josette terminait son souper lorsque les deux hommes entrèrent. En les voyant, elle fut saisie d’appréhension à l’idée de l’entrevue qui allait avoir lieu entre elle et le meurtrier de Sébastien de Croissy, et elle se hâta de gagner sa chambre pour s’y préparer dans le calme et la solitude. Le souvenir de la visite à Chabot rue d’Anjou lui revenait dans tous ses détails. Ce jour-là elle avait été maîtresse d’elle-même ; elle le serait encore tout à l’heure, mais elle ne se dissimulait pas le risque qu’elle courait à avoir cette entrevue ici, à Rouen, avec les lettres sur elle. Les événements s’étaient déroulés tout autrement qu’elle ne l’avait prévu. Elle avait toujours pensé revoir Chabot à Paris, en terrain neutre, après avoir mis les lettres en sûreté. Elle n’entendait les donner qu’au moment où elle aurait été en possession des sauf-conduits. Ici, il en allait différemment. Si le citoyen Armand n’avait pas été là, elle aurait peut-être tenté de se soustraire à une rencontre avec Chabot avant son retour à Paris. Mais la présence de cet ami secourable et puissant serait, elle l’espérait, une protection pour elle et garantirait un échange loyal des documents.
Au bout d’un long moment, Annette vint l’avertir que le citoyen Armand l’attendait dans le corridor. Josette s’empressa d’aller l’y rejoindre, et il l’emmena dans une petite pièce qui avait été mise à la disposition du représentant du Loir-et-Cher. C’était une pièce assez confortable où l’hôtelier devait recevoir ses amis dans l’intimité, hors de la vue des clients. Elle était simplement meublée d’une table recouverte d’un tapis, de quelques chaises rangées autour de la table et d’un banc disposé contre le mur. Dans un petit poêle de fonte, un feu de bois ronflait, répandant dans la pièce une agréable tiédeur et une clarté rougeâtre. Le seul meuble de valeur était une grande horloge normande au balancier de cuivre, placée contre le mur, qui marquait chaque seconde d’un tic-tac majestueux. Il n’y avait qu’une fenêtre, dont les contrevents étaient fermés. Sur la table se trouvaient une bouteille d’encre, une plume d’oie, une soucoupe remplie de sable, et deux chandeliers dans lesquels des bougies allumées crépitaient et coulaient. Quand Chauvelin fit entrer Josette, Chabot était assis devant la table. La jeune fille s’approcha et, sans qu’on l’en priât, s’assit en face de lui, puis elle attendit qu’il parlât. Chabot la regardait d’un air railleur, mais elle ne baissa pas les yeux.
Chauvelin, qui était entré derrière Josette, demanda :
– Dois-je sortir, ou préfères-tu que je reste ?
Josette tourna la tête, ne sachant à qui s’adressait cette question ; mais comme ce pouvait être à elle, à tout hasard elle répondit en employant le tutoiement républicain :
– Reste, si tu veux bien, citoyen Armand.
Chauvelin s’assit alors sur le banc, derrière Josette et en face de son collègue. Pendant une minute, personne ne parla, et on entendit seulement le tic-tac lent et grave de la vieille horloge. Enfin Chabot dit brusquement :
– Alors, jeune donzelle, tu es allée en Angleterre ?
– Oui, citoyen, répondit Josette d’un ton froid.
Chabot, la tête penchée de côté, fixait sur elle un regard ironique. Un sourire moqueur se dessinait sur ses lèvres épaisses. Il saisit la plume posée sur la table et s’en caressa le menton.
– Voyons, reprit-il lentement, rappelle-moi donc l’objet de ton voyage.
– Aller chercher des lettres, citoyen, répondit-elle sans se laisser émouvoir par l’attitude méprisante de Chabot, des lettres dont tu étais désireux de reprendre possession.
– Hem ! fit Chabot.
Il ajouta du même ton railleur :
– Alors tu crois que j’étais vraiment désireux d’en reprendre possession ?
– Assurément, citoyen.
– Et c’est pour satisfaire mon désir que tu as fait tout ce voyage ?
– Mettons cela sous cette forme, si tu veux, citoyen député.
Le calme de la jeune fille paraissait exaspérer Chabot. Il dit subitement :
– Où sont ces lettres, citoyenne ?
– Je les ai ici, répondit-elle avec une froideur déconcertante.
– Donne-les-moi, commanda-t-il.
Mais Josette n’était pas disposée à se laisser faire.
– Tu te rappelles, citoyen, dit-elle, à quelles conditions je t’ai proposé d’aller chercher ces lettres ?
– Des conditions ! répliqua-t-il avec un rire discordant, des conditions ! Je les ai oubliées, ces conditions, vois-tu. Veux-tu avoir la bonté de me les rappeler ?
– Citoyen député, reprit Josette lassée par toutes ces paroles inutiles, je te l’ai déjà dit : je désire un sauf-conduit au nom de Maurice Reversac et un autre à mon nom, nous permettant de quitter Paris et de nous rendre en un lieu choisi par nous.
– C’est tout ? fit-il en ricanant.
– Cela me suffit. Ne pouvons-nous maintenant procéder à cet échange ? Il n’est pas nécessaire d’en dire davantage.
– Sur ce point tu as raison, impudente friponne ! jeta Chabot aigrement. Donne-moi tout de suite ces lettres.
Comme elle ne répondait pas et se contentait de le regarder avec répulsion, il répéta d’une voix rauque :
– Entends-tu ? Donne-moi ces lettres !
– Pas avant d’avoir les sauf-conduits signés de ta main, citoyen.
– Ah ! c’est comme cela ! gronda Chabot en se penchant au-dessus de la table pour fixer Josette de plus près.
Affreux à voir à la lumière mouvante des chandelles, il se tint ainsi un instant, exultant, triomphant. Cette fille était en son pouvoir, rien ne pouvait l’en arracher. La vengeance dont il était altéré, il allait en jouir enfin.
– Ah ! fit-il d’une voix rauque, tu te figurais avoir François Chabot en ton pouvoir, folle que tu es ! Tu croyais pouvoir lui faire peur, péronnelle !
Il sauta sur ses pieds, donna un coup de poing sur la table et hurla :
– Ici, la garde ! À moi !
La porte s’ouvrit, deux gardes nationaux parurent sur le seuil, et d’autres soldats se montrèrent derrière eux. Josette vit tout cela d’un coup d’œil. Tant que Chabot lui avait lancé des injures à la face, crachant son venin comme un serpent, elle avait conservé son sang-froid, sans se laisser effrayer, parce qu’elle savait que le citoyen Armand, son ami, était là. En présence d’un personnage de cette importance, Chabot n’oserait pas, pensait-elle, commettre une déloyauté flagrante ; il n’oserait pas non plus la pousser, elle, Josette, à révéler devant un tiers l’existence de lettres le compromettant gravement. Mais quand la porte s’ouvrit et que Josette vit les soldats, elle se leva brusquement tandis que Chabot, la tête en arrière, riait à gorge déployée, et elle se tourna vers celui de qui elle attendait secours et protection.
– Folle que tu es ! répéta Chabot d’une voix féroce ; pauvre idiote ! Après une courte pause il se tourna vers la porte et commanda :
– Qu’on la fouille !
Les deux gardes nationaux s’avancèrent. Josette, immobile, ne poussa pas un cri. Ses grands yeux étaient fixés sur son ami – l’ami qui la trompait, l’ami qui l’avait déjà trahie. Le premier regard qu’elle lui avait lancé signifiait « Au secours ! », puis ses yeux bleu sombre avaient semblé dire : « N’êtes-vous donc pas mon ami ? » Leur expression suppliante s’était alors modifiée peu à peu, se chargeant d’étonnement, puis d’horreur, car le citoyen Armand, l’ami et le protecteur qui s’était insinué dans ses secrets, avait gagné indûment sa confiance, volé sa reconnaissance, était là tranquillement assis, immobile, muet, un sourire énigmatique sur ses lèvres minces. Le regard de Josette passa du faux ami à l’ennemi exultant. Les soldats s’étaient placés de chaque côté de la jeune fille ; elle sentait leur souffle sur son cou, et l’un d’eux posa sa main sur son épaule. Étouffant un cri de révolte, elle se dégagea, et plongeant la main dans son corsage, elle en tira le paquet de lettres qu’elle posa sur la table.
Une exclamation de satisfaction s’échappa de la gorge de Chabot. Sa main épaisse se referma sur le précieux paquet. Les soldats se tenaient toujours immobiles de chaque côté de Josette.
– Puis-je maintenant m’en aller ? demanda la jeune fille.
Chabot lui lança un coup d’œil railleur.
– T’en aller ? répéta-t-il avec un ricanement en imitant le ton de Josette.
Alors le pli sarcastique de ses lèvres s’effaça, et il avança son visage défiguré par la rage à deux doigts du visage de Josette :
– T’en aller ? Non, coquine, il n’en est pas question. Comme une idiote que tu es, tu t’es placée en mon pouvoir. Depuis des semaines tu riais sous cape de moi et de mes amis. Eh bien ! c’est à notre tour de rire ; et nous rirons quand tu iras pourrir en prison avec ton amoureux, jusqu’au jour où vos deux têtes tomberont sous le couperet de la guillotine.
Un sentiment de dégoût fit reculer Josette quand elle sentit l’haleine de Chabot sur son visage, mais elle ne se départit pas de son attitude digne et calme. Dès le moment où elle s’était rendu compte que l’ami qui aurait dû la protéger n’était qu’un traître, elle avait compris que Maurice et elle-même étaient perdus. Rien sur terre ne pouvait les sauver du sort que ces assassins leur destinaient. Elle pria Dieu de lui donner le courage nécessaire pour supporter les sombres jours à venir, et assez de force pour ne pas laisser voir à ces misérables la souffrance qu’elle endurait. L’allusion à Maurice lancée avec tant de haine l’avait fait tressaillir. C’était pour Maurice qu’elle souffrait le plus. Elle avait fondé de si beaux espoirs – espoirs vains et absurdes, hélas ! – sur les efforts qu’elle faisait pour le sauver que sa déception était d’autant plus cruelle.
Josette ne regardait plus celui qui avait trahi sa confiance ; dans sa simplicité, elle pensait qu’il devait se sentir accablé par la honte de sa lâcheté. Dieu seul saurait le punir.
Sur un signe de Chabot, les deux soldats placèrent chacun une main sur l’épaule de Josette, n’attendant qu’un ordre pour l’emmener. L’officier se tenait à l’entrée de la pièce. Chabot lui demanda :
– Quel est dans cette ville le lieu de détention pour les criminels à garder au secret ?
– Les cellules placées dans le sous-sol de l’hôtel de ville, citoyen député.
– Qui en a la responsabilité ?
– Moi-même, citoyen député, avec une vingtaine d’hommes.
– Et l’hôtel de ville, qui en a la garde ?
– Un détachement de gardes nationaux sous le commandement du capitaine Favret.
– Cantonné sur place ?
– Oui, citoyen député.
Avec un rire satanique et un haussement d’épaules, Chabot observa :
– Cela doit suffire pour garder une femme. Mais on ne sait jamais ! Les hommes sont parfois de tels imbéciles…
Tout en parlant, Chabot maniait le paquet, brisant les cachets l’un après l’autre. Le papier extérieur s’ouvrit, laissant voir une petite liasse de lettres. Mais quoi… ? des lettres, ces feuilles sans suscription ? Tandis qu’il prenait et dépliait chaque feuille l’une après l’autre, sa main tremblait, le sang se retirait de son visage et son teint bilieux devenait couleur de cendre ; car cette liasse ne contenait que des feuilles de papier pliées comme des lettres, mais absolument blanches.
Les yeux de Chabot, fixés sur ces papiers sans valeur, semblaient prêts à lui sortir de la tête, son visage convulsé l’instant d’avant était maintenant figé dans une immobilité de statue. Il leva les yeux et regarda Josette en laissant tomber les papiers un à un.
Mais Josette elle-même n’avait plus le calme, le sang-froid qu’elle avait conservés jusque-là. Quand Chabot avait rompu les cachets et ouvert le paquet, elle se disait douloureusement que, sans la trahison du citoyen Armand, ces lettres lui auraient obtenu la liberté de Maurice. Puis soudain elle s’aperçut qu’il n’y avait pas là de lettres, mais de simples feuilles blanches, et sa stupéfaction fut aussi grande que celle de son bourreau. Elle avait reçu ce paquet des mains de Louise, et depuis le jour où celle-ci le lui avait confié, elle ne s’en était jamais séparée. Jamais ?… mais si ! Elle revécut les cinq derniers jours : l’arrivée à Rouen… le vol… le retour miraculeux du paquet… Oh ! mon Dieu, mon Dieu ! qu’est-ce que tout cela signifiait ? Prise d’une sorte de vertige, elle regardait fixement ces bouts de papier qui tombaient de la main tremblante de Chabot.
Personne ne parlait. Les soldats demeuraient au port d’armes, attendant des ordres. Au bout de la pièce, la vieille horloge découpait le temps en secondes avec une solennelle monotonie. À la fin, un grognement étouffé sortit des lèvres frémissantes de Chabot. Il pointa son index vers Josette, puis vers les papiers dispersés sur la table.
– Ainsi, fit-il d’une voix étranglée, tu pensais encore à me berner ?
– Non ! oh ! non…, protesta-t-elle involontairement.
– Tu voulais, insista-t-il de la même voix étranglée, me soutirer un passeport en échange de ces chiffons de papier ?
Il s’interrompit quelques secondes, puis cria du haut de sa tête :
– Où sont les lettres ?
– Je ne sais pas, protesta Josette. Je jure que je ne sais pas.
– Va me les chercher immédiatement, répéta-t-il, ou par Satan…
Il s’interrompit, à court de menaces. Que pouvait-il dire de plus, puisqu’il lui avait déjà promis tous les tourments physiques et moraux possibles ? « Ou par Satan… » Pouvait-il trouver quelque chose de pire que l’emprisonnement et la mort pour elle et son bon ami ?
– Va me chercher ces lettres, gronda-t-il en montrant les dents comme un chat sauvage privé de sa proie, ou je te ferai marquer au fer, fouetter en place publique. Je… je te ferai… Oui, je te ferai fouetter, et je me réjouis que nous ayons encore en France les moyens de punir des sorcières comme toi.
– Je ne puis te donner ce que je n’ai pas, citoyen, déclara Josette en se maîtrisant, et, je te le jure, je croyais que les lettres étaient dans le paquet que je viens de te donner.
– Tu mens… tu…
Chabot se tourna vers l’officier :
– Emmène cette gourgandine et prends garde de…
Il s’interrompit, lança quelques jurons, puis changeant subitement de ton il dit à Josette :
– Écoute, jeune citoyenne, j’essayais seulement de te faire peur. Et le grondement du tigre se transforma en ronronnement de chat.
– Je voix que tu es une fille intelligente. Tu croyais que tu pouvais mystifier ce brave Chabot ? Tu croyais que tu pouvais lui jouer un bon tour, n’est-ce pas ?
Il fit à petits pas le tour de la table, et, s’approchant de Josette, lui prit le menton et la força à lever la tête.
– La jolie mignonne ! s’exclama-t-il, avançant ses lèvres épaisses comme pour un baiser.
On peut supposer que quelque chose dans l’expression du visage de Josette l’empêcha de lui infliger cet outrage. Ce qui est certain, c’est qu’il se contenta de jeter une œillade au joli visage pâli par les émotions dont la vue aurait ému n’importe quel cœur, sauf celui d’un monstre.
– Ainsi, tu voulais t’amuser un peu ? Maintenant, c’est fait, et nous nous retrouvons au même point. Tu vas me donner les lettres pour lesquelles tu as pris la peine d’aller en Angleterre, et je te donnerai en échange un sauf-conduit en bonne et due forme pour toi à ton nom et à celui de ton beau jeune galant – un veinard, celui-là – pour que vous puissiez aller vous caresser et vous embrasser tout votre content où bon vous semblera. Maintenant, j’ai idée que tu as caché ces méchantes lettres quelque part dans ton joli petit dodo, et nous allons aller ensemble les y chercher, eh ?
Josette ne répondit pas, ne fit pas un mouvement. Qu’aurait-elle pu dire ou faire ? Elle n’avait écouté qu’à moitié les cajoleries de cet hypocrite. Pas plus que lui, elle n’avait idée de ce qu’avaient pu devenir les lettres, ou comment il se faisait qu’un paquet absolument semblable à celui que Louise lui avait remis eût pu être substitué au premier. Sans doute le citoyen Armand avait-il quelque chose à voir avec cette substitution. Mais quel mobile l’avait poussé ? Josette n’arrivait pas à se le figurer. Comme elle demeurait muette, essayant de coordonner ses pensées, Chabot s’impatienta.
– Allons, la fille, dit-il, abandonnant son ton insinuant, ne reste pas là comme une bûche, et ne me force pas à te faire marcher entre deux gendarmes. Montre-nous le chemin de ta chambre. Mon ami et moi te suivrons.
– Je te l’ai déjà dit, citoyen, maintint Josette d’une voix ferme, je ne connais pas d’autre paquet que celui que je t’ai donné.
– C’est un mensonge !
– C’est la vérité, Dieu m’en est témoin ! Et elle ajouta avec gravité :
– Je crois encore en Dieu.
– Sornettes !…
Ayant jeté cette exclamation rageuse, Chabot, les mains croisées derrière le dos, arpenta la petite pièce comme un ours en cage. Au bout d’un instant il s’arrêta en face de son collègue :
– Que ferais-tu, l’ami Chauvelin, si tu étais à ma place ?
Chauvelin, pendant ce temps, était resté immobile sur le banc, derrière Josette. On pouvait se demander s’il avait suivi dans toutes ses phases la scène qui se déroulait dans cette pièce depuis un quart d’heure. La violence de Chabot, la dignité méprisante de Josette l’avaient laissé également froid. À un moment on aurait presque cru qu’il dormait : il avait la tête penchée en avant, les bras croisés, les yeux clos. Quand son collègue l’interpella, il se redressa et leva les yeux vers le visage enflammé de colère qui lui faisait face.
– Comment ? demanda-t-il d’un ton vague. Que disais-tu, citoyen député ?
– Ce n’est pas le moment de dormir, répliqua l’autre rageusement, pendant que cette friponne se gausse de nous. Que vais-je faire d’elle ?
– La placer sous bonne garde et faire une perquisition serrée dans sa chambre.
– Une perquisition ? Oui, bien sûr ! c’est le plus simple.
Chabot se tourna de nouveau vers le sous-officier :
– Sergent, va avec tes hommes demander à l’hôtelier qu’il vous conduise à la chambre occupée par la fille Gravier. Vous fouillerez cette pièce et ne reviendrez qu’après avoir trouvé un paquet cacheté semblable à celui que cette fille a posé tout à l’heure sur la table. C’est compris ?
– Oui, citoyen député.
– Va, et fais le nécessaire pour que ce paquet se retrouve ; faute de quoi tu pourrais être accusé de manque de zèle.
– Sois sans crainte, citoyen, le nécessaire sera fait.
Le sergent fit demi-tour et se dirigeait vers la porte lorsque Chauvelin chuchota à son ami :
– À ta place, j’irais avec eux. Tu t’assurerais toi-même que le paquet est intact avec tous ses cachets.
– Tu as raison, approuva Chabot.
Il rappela aussitôt le sergent qui se mit au garde-à-vous et attendit que le distingué représentant du peuple sortît de la pièce. Arrivé à la porte, Chabot se retourna vers Chauvelin.
– Aie l’œil sur cette péronnelle en mon absence, recommanda-t-il en faisant un geste dans la direction de Josette. Je laisse deux gardes pour la surveiller.
– Sois tranquille, répondit Chauvelin. Elle ne va pas se sauver.
Chabot sortit, et le sergent et ses hommes le suivirent en scandant le pas le long des corridors.
– Vous, dit Chauvelin en s’adressant aux deux soldats qui étaient restés de chaque côté de Josette, vous pouvez aller attendre dans le couloir.
On ne discute pas un ordre quand il est donné par un personnage portant l’écharpe tricolore ; aussi les soldats lui obéirent-ils. Sans mot dire ils sortirent et fermèrent la porte derrière eux.
Entre ces quatre murs blanchis à la chaux, Josette était maintenant seule avec Chauvelin.