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Le procès du roi

Depuis le 14 janvier, les scrutins avaient commencé. On allait savoir si Louis Capet était reconnu coupable d’avoir conspiré contre la liberté. Louis Capet – c’est-à-dire Louis XVI, le descendant d’une longue lignée de souverains – avait été traîné à la barre de la Convention par ses sujets pour répondre de ce crime, et sa vie était en jeu.

Il ne pouvait même y avoir de doute. Ce n’était pas au bannissement, comme beaucoup de députés, surtout les girondins, l’avaient laissé entendre, mais à la peine de mort qu’on allait le condamner.

On avait posé cinquante-sept questions à l’accusé et il avait répondu négativement. Un de ses trois défenseurs, Desèze, avait montré que le procès du roi, irresponsable suivant la Constitution, était illégal, mais rien ne le sauverait.

Une fois déjà, un siècle et demi auparavant, un roi, Charles Ier d’Angleterre, avait été traduit devant son Parlement, et cela s’était terminé par un régicide. La foule, une foule inquiète et silencieuse, se pressait aux alentours de l’Assemblée, attendant les nouvelles tandis que l’avocat Barère résumait les débats dans un discours interminable. Puis on ramena le roi à la prison du Temple où il vivait maintenant, séparé de sa femme, de sa sœur et de ses enfants.

Le 16 janvier, le vote commença. Il dura vingt-quatre heures. La Convention avait décidé que, quelle que soit la sentence, il ne serait pas fait appel au peuple. Les modérés auraient bien voulu conserver cette échappatoire, mais les extrémistes crièrent que ce serait fomenter la guerre civile et, une fois de plus, les autres s’étaient laissé intimider.

Sept cent vingt et un députés étaient présents. On les appelait un à un ; ils montaient à la tribune et prononçaient la peine qu’ils voulaient voir appliquer.

Pendant longtemps, le bannissement et la mort se partagèrent à peu près également les votes. Cette étrange scène avait pour témoins les spectateurs fort élégamment vêtus des galeries qui mangeaient des bonbons et bavardaient. Il y eut un moment d’intense curiosité lorsque Philippe d’Orléans – on l’appelait maintenant Philippe-Égalité – vota la mort de son cousin en son âme et conscience, bien entendu.

Enfin on compta les votes ; la peine de mort avait réuni trois cent soixante-sept voix contre trois cent trente-quatre, et le président Vergniaud, qui avait dit la veille encore : « Je ne voterai pas la mort », et qui l’avait votée, proclama le verdict.