Le « colonel » arriva à dix heures et demie. C’était un grand vieillard à sa barbe chenue. Il serra Mme Bleichreider sur son cœur en l’appelant « sa chère Titine », pendant que celle-ci, les larmes aux yeux, lui demandait : « Comment allez-vous, mon pauvre ami ? » Ils restèrent ainsi dans les bras l’un de l’autre quelques instants, sans qu’ils se trouvassent gênés en rien par la présence des « invités ». Le « colonel » s’arracha enfin à l’étreinte de Titine pour embrasser son enfant qui, lui, très correct, attendait dans une attitude presque militaire que son père se fût aperçu de sa présence.
– François, dit Mme Bleichreider, votre fils a eu bien du chagrin de rester si longtemps sans vous voir.
François souleva le petit Édouard et le mangea de baisers. Le petit Édouard ressemblait à François d’une façon frappante, et du coup de cette constatation, Mlle Berthe, qui avait commencé déjà de se faire une opinion sur la naïveté des vieux colonels amoureux de jeunes dames blondes, dut chasser ses mauvaises pensées. Ce qui ne l’empêchait point de songer : « N’importe ! C’est un vieux saligaud qui entretient maîtresse en ville. Il porte grand deuil sur son uniforme, ce qui prouve qu’il y a eu un malheur dans sa famille ; et ça ne l’empêche pas de la quitter pour accourir chez des « créatures ».
Elle fut brusquement tirée de ses honnêtes réflexions en se trouvant elle-même en face du grand vieillard, à qui on la présentait et qui lui souhaitait la bienvenue. Elle répondit à son salut d’un petit coup de tête bien court et écouta avec indifférence les quelques paroles encourageantes que « Monsieur » daignait lui adresser en français. Quand il eut fini, elle répéta son petit coup de tête bien court et fit entendre un tout sec : « Bien, m’sieur » qui eut le don de dérider l’assistance. Mme Bleichreider, appelant près d’elle Mlle Berthe, lui dit à demi-voix, en la grondant doucement : « On ne parle pas à « Monsieur » sur ce ton-là ! » Mais le « colonel » fit : « Laissez donc, chère amie, laissez-là me parler comme il lui plaît. Elle est très gentille, cette petite ! »
Mlle Berthe, cramoisie, ronronnait entre ses quenottes : « Cette petite ! Attends un peu ! si ça continue, tu vas voir sur quel ton une petite comme moi parle au Monsieur de Madame ! » Heureusement le scandale n’éclata pas. Le « colonel », après avoir serré affectueusement les mains des trois vieux amis de « Titine », s’était laissé conduire à sa place par l’aimable maîtresse du logis, qui l’avait installé dans son fauteuil et lui avait glissé la chaufferette sous ses pieds. Les trois familiers s’assirent à leur tour à la table de tarok – qui est une sorte de whist autrichien.
Édouard, selon son habitude, avait grimpé sur les genoux de son vieux papa, et se disposait à suivre la partie en jouant, d’une main caressante, avec la belle grande barbe blanche. C’est ainsi que, distrait par les caresses de son fils, le « colonel » avait accoutumé de perdre chez Mme Bleichreider tout l’argent de sa bourse – une dizaine de florins – à cause des fautes continuelles qu’il accumulait. On ne désirait point l’avoir comme partenaire. Mais personne ne se plaignait, et le grand vieillard, qui adorait l’enfant, était enchanté.
La jeune institutrice avait bientôt désiré quitter cette réunion de joueurs. Mais encore un geste de Mme Bleichreider avait retenu Mlle Berthe à sa place. Mlle Berthe comprit qu’elle aurait l’insigne honneur de s’asseoir à la table du « colonel » et de partager son thé. Ainsi en advint-il. Mais quel thé ! Quand les portes de la salle à manger s’ouvrirent et que le maître d’hôtel annonça que « Madame » était servie, Mlle Berthe eut la vision à la fois d’une boutique de charcuterie, de pâtisserie, de confiserie et d’autres « délicatesses ». Ah ! la table était chargée et l’on mangea ! Littéralement le « colonel » s’empiffrait. On eût pensé qu’il n’avait pas mangé depuis quinze jours, et c’était peut-être la vérité !
De temps en temps, il levait un œil humide du côté de la « bourgeoise », qui était aux petits soins pour sa voracité et qui lui montrait son beau sourire. Et comme le petit Édouard, lui aussi, aux soirs de visite du « colonel », avait le droit de veiller et de s’asseoir à la table du « thé », les regards du « colonel » et ceux de la « bourgeoise » finissaient toujours par se rencontrer sur cette tête chérie.
Pendant ce temps, les familiers s’entretenaient, la bouche pleine, des vertus domestiques de la très gracieuse et très haute dame qui les recevait à sa table. On discuta sur tout : sur la bonne et la mauvaise manière de conduire son ménage, sur les exigences de la domesticité, sur les dix façons qu’il y a de faire le « goulasch » et sur la meilleure des dix. Le « colonel » alluma son trabuco. Le banquier juif voulut lui offrir de superbes havanes qu’il lui tendait dans son porte-cigares en or. Mais le « colonel » répondit : « Non, merci, mon ami, je ne fume que le trabuco. »
– C’est par économie ? lui demanda-t-on.
– Il a beur de mourir sur la baille ! fit le banquier juif avec un gros rire, et les autres rirent aussi, excepté le « colonel », qui, à ce seul mot : « mourir » était entré dans une mélancolie si profonde que rien ne put désormais l’en tirer.
Mlle Berthe se dit : « Au fond, tous ces gens-là sont des grigous ; le « colonel » me fait l’effet d’un vieux à passions ! Bonsoir, Titine et la compagnie ! Demain il fera jour. On verra clair à parler aux honnêtes gens ! »
Et comme tout le monde se levait de table pour suivre la maîtresse de maison au salon, Mlle Berthe trouva le moyen de s’esquiver et courut s’enfermer dans sa chambre. Quelques minutes plus tard elle entendit les familiers qui s’en allaient et faisaient leurs adieux à Mme Bleichreider. Dans le vestibule, ils se communiquèrent leurs impressions :
– Oh ! il est bien abattu, le pauvre ami !
– Un coup pareil !
– Consolez-le, chère et gracieuse madame.
Dix minutes après leur départ, comme Mlle Berthe allait procéder à sa toilette de nuit, elle entendit sonner en bas, chez le concierge. Qui donc venait à cette heure ? Un pas à la fois lourd et discret, qu’il lui semblait reconnaître, faisait bientôt craquer le parquet du vestibule.
– Le jésuite ! fit Berthe.
Et elle entr’ouvrit tout doucement la porte de sa chambre pour le voir passer. C’était bien lui ! Mme Bleichreider vint au-devant de lui dans le corridor sur lequel donnaient les portes de sa chambre, de celle de l’enfant, de la nurse et de l’institutrice.
– Eh bien ? demanda la maîtresse du logis, avez-vous de bonnes nouvelles, mon père ?
– Comment va le « colonel », madame ? Croyez-vous que nous puissions avoir ce soir une bonne conversation ?
– Mon Dieu ! il m’a juré qu’il vous avait tout dit. Ne le tourmentez plus, je vous prie, à ce sujet.
– S’il ne sait que cela, madame, le « colonel » sait bien peu de choses, et nous voilà fort en peine pour le délivrer de ce cauchemar !
– Mais le jeune homme, on ne l’a donc pas interrogé ?
– On ne fait que cela, madame, et j’apporte justement une lettre du marchand de parapluies. Elles ne nous annonce rien de bon. Le jeune homme est têtu.
– Mon père ! savez-vous ce que m’a dit le « colonel » ? Qu’on serait peut-être obligé de le torturer !
Mlle Berthe ne put en entendre davantage. Une porte s’était refermée sur les deux interlocuteurs qui, sans doute, avaient rejoint le « colonel » dans le petit salon de « madame ». L’institutrice était toute pâle. Son cœur battait à grands coups sourds dans sa poitrine. Les paroles qu’elle venait d’entendre l’avaient littéralement épouvantée. Que voulaient dire ces gens-là avec leur « cauchemar » et le jeune homme qu’on allait peut-être torturer ? Ah ça ! elle était donc chez des bandits ! Et ce père jésuite… et ce vieux « colonel » qui venaient s’entendre chez « la Bleichreider » (elle disait déjà : la Bleichreider) pour une besogne pareille ! Mais elle allait carrément, dès la première heure du jour, les dénoncer à la police !
Chose singulière, Mlle Berthe avait l’impression qu’elle se trouvait mêlée elle-même, par elle ne savait quel hasard ni quelle circonstance, à ce qu’elle venait d’entendre… Oui, il devait y avoir quelque chose dans ces phrases-là qui la « regardait ». D’où lui venait cette impression ? Elle se le demandait avec effroi… Tout à coup, elle revit une petite table dans une auberge de la Forêt-Noire. À cette petite table, elle était assise à côté de Petit-Jeannot… et à cette même petite table, en face d’eux, était venu s’asseoir un marchand de parapluies ! Un affreux marchand de parapluies ! qui avait dormi aussi, à côté d’elle, dans la diligence… Oh ! elle se rappelait maintenant…
Pourquoi donc, tout à l’heure, dans le corridor, le révérend Père Rossi avait-il parlé d’un marchand de parapluies ? Et pourquoi, en se souvenant de cela, Mlle Berthe claquait-elle des dents ? Mon Dieu ! comme elle regrettait de n’avoir point de nouvelles de Petit-Jeannot ! Elle s’était laissée tomber sur son lit, et elle restait là, immobile, ne parvenant pas à démêler l’écheveau confus de ses pensées.
Combien de temps resta-t-elle ainsi ? Mlle Berthe n’eût pu le dire. Elle fut tirée de ses réflexions par le bruit de la porte qui se rouvrait dans le corridor. Elle retourna aussitôt à son poste. C’était encore « Madame » et le prêtre, celle-là reconduisant celui-ci. Ils parlaient à voix basse.
– Le « colonel » a raison, disait-elle. Il faut qu’il l’interroge lui-même. Il n’est pas possible que ce jeune homme ait prononcé de pareilles paroles sans qu’il puisse en dire la cause. Nous partirons tous demain…
– Je n’ai pas besoin, madame, de vous recommander la plus grande discrétion, car il se peut que nous en soyons réduits à quelque triste extrémité, et je n’ai peur que d’une chose, c’est que le « marchand de parapluies » ne soit déjà allé trop vite en besogne !
– Que Dieu nous épargne encore cette torture, mon père ! fit Mme Bleichreider en poussant un soupir.
Ils étaient arrivés tout deux au bout du corridor, juste devant la porte de l’institutrice. Ils s’arrêtèrent, et le père Rossi se pencha à l’oreille de Mme Bleichreider et lui murmura quelque chose que Mlle Berthe n’entendit point ; mais elle vit Mme Bleichreider qui faisait un grand geste de protestation.
– Je vous dis, mon père, qu’il vous a tout dit !
– Ce n’est point l’avis du marchand de parapluies !
– Enfin, mon père, vous lui avez donnez l’absolution !
– Il n’y a que le pape noir, madame, qui oserait refuser l’absolution à ce « colonel »-là !
Et s’étant incliné profondément, il quitta Mme Bleichreider, qui rentra chez elle en donnant les signes de la plus grande agitation. Quelques instants plus tard, Mlle Berthe entendait le bruit sourd d’une voix qui semblait répéter inlassablement la même chose. Sa curiosité naturelle l’emporta sur l’effroi instinctif qu’elle ressentait à se trouver mêlée, par sa présence derrière une porte, à un mystère qui l’inquiétait au-delà de toute expression. Elle se glissa dans le corridor et entra dans la salle à manger, dont la porte était restée ouverte. Et elle colla son oreille à la porte du grand salon. Elle reconnut la voix du « colonel » qui ne cessait de répéter :
– Mon Dieu ! j’ai tout dit ! j’ai tout dit ! Je jure que je n’en sais pas davantage ! C’est le petit Paumgartner qui les a tués tous, et qui s’est suicidé après ! Quand Jacques est arrivé, il n’a plus trouvé que des cadavres !
– Le « marchand de parapluies », fit la voix de madame Bleichreider, a dit au père Rossi que ce n’était pas possible que les choses se fussent passées de la sorte, et qu’il devait y avoir eu quelque chose de beaucoup plus terrible encore.
– Et quoi donc ? grands dieux !
– Le « marchand de parapluies » a répondu qu’il n’osait pas le dire !
Mlle Berthe s’enfuit, éperdue, dans sa chambre. Une pâleur mortelle était répandue sur son visage, ses cheveux étaient en désordre, ses yeux étaient hagards, et sa bouche tremblante murmurait :
– Ah bien ! en voilà une histoire ! Je suis tombée chez des assassins !
On devine de quelle sorte elle passa le reste de la nuit. Elle ne put, naturellement, comme on dit, fermer l’œil. Elle était bien décidée à fuir dès que le jour paraîtrait, et elle attendit l’aurore dans le plus fâcheux état. Enfin le jour arriva. Au tout petit jour, elle était prête à descendre. Le concierge venait d’ouvrir la porte et elle l’entendait bavarder avec quelques garçons du service de la voirie. Elle entr’ouvrait déjà sa porte, quand elle vit passer dans le corridor le « colonel ». Il avait, comme la veille, son costume de colonel, sa grande tunique grise, et elle remarqua au côté une petite dague sur laquelle il posa son poing quand Mme Bleichreider, qui le suivait, lui jeta son manteau sur les épaules. Ils s’embrassèrent longuement, et « Monsieur » descendit pendant que « Madame » regagnait son appartement. Mlle Berthe, aussitôt, descendit à pas discrets.
Dans le grand vestibule du rez-de-chaussée, elle remarqua deux individus à mine patibulaire, enveloppés dans de grands pardessus noirs. Ils s’étiraient les bras et bâillaient comme s’ils venaient de se réveiller. Ils paraissaient avoir passé la nuit dans ce vestibule, étendus sans doute sur les deux canapés. Pourquoi ? Qu’est-ce qu’ils faisaient là ? Ce sont certainement « des gens de la bande » ! pensa Berthe… et elle hâta le pas, cependant que l’un des deux hommes disait à son compagnon : « Allons ! en voilà encore une de tirée ! J’aime pas ces gardes-là, moi ! on a trop de responsabilités ! » Mlle Berthe était déjà dehors. Elle s’enfuit à toutes jambes comme si on courait derrière elle ! « Au premier agent que je rencontrerai, se disait-elle, je lui raconterai ce qui m’est arrivé. J’aime mieux aller chez le commissaire de police que de rester cinq minutes de plus chez ces gens-là ! »
Elle s’en fut ainsi tout le long d’Annagasse et, toujours courant, arriva au Graben. Là, dans cette large rue bordée de riches magasins, elle savait qu’elle trouverait ce qu’elle cherchait. Elle savait qu’il y avait toujours au pied de la colonne de la Trinité, ou auprès des fontaines, un agent.
L’agent y était ! Il n’était point seul, du reste, dans le Graben. Mlle Berthe reconnut, dans un promeneur qui marchait assez paresseusement et l’air préoccupé, sur le trottoir de gauche, qui ? le « colonel » ! le « colonel » lui-même. Mlle Berthe jeta vers les cieux un ardent regard de remerciement. Elle courut à l’agent et, lui montrant l’homme au manteau qui se glissait d’un air si sournois le long des magasins, elle lui dit :
– Monsieur l’agent ! arrêtez-le ! L’agent demanda, absolument abasourdi :
– Qui ?
– Lui ! L’homme au manteau !
– L’homme au manteau là-bas ? le long du magasin ?
– Mais oui, c’est un voleur et un assassin !
Immédiatement l’agent, qui était un grand, gros, fort homme fut secoué de haut en bas d’un tel rire que le Graben tout entier, dans la solitude sonore du matin, en résonna comme un gong. Mlle Berthe le regarda, interdite, suffoquée. Elle voulut demander une explication. Mais l’autre, riant toujours de plus en plus fort, fit comprendre par signe qu’il ne « marchait » pas dans des plaisanteries pareilles, qu’on avait sans doute déjà essayé, mais que ça ne prenait plus ! Il riait encore quand Mlle Berthe, exaspérée, le quitta.
– Quel imbécile ! se dit-elle. Il ne sait pas ce qu’il « rate » !
Bien décidée à ne plus perdre de vue le « colonel », elle le suivit encore, elle le suivit toujours. L’homme ne montrait nulle hâte. Il paraissait réfléchir profondément et ne semblait point avoir de but bien déterminé. Au coin de la rue de Carinthie, elle trouva, dans le ruisseau, deux balayeurs. Puisque les agents de la force publique ne lui étaient d’aucune utilité, elle aurait recours aux honnêtes travailleurs.
– Voulez-vous m’aider, messieurs, leur dit-elle, à arrêter un dangereux malfaiteur ?
– Où qu’il est, ma petite dame ? demanda l’un de ces deux employés de la voirie.
Mlle Berthe désigna le « colonel », dont on apercevait en ce moment le profil sévère et la belle barbe blanche.
– C’est lui, fit-elle.
Les deux balayeurs s’appuyèrent sur leurs balais et se payèrent aussitôt un accès d’hilarité qui ne le cédait en rien à celui que s’était offert l’agent du Graben, devant la colonne de la Sainte-Trinité. L’institutrice s’enfuit en traitant tous les Viennois d’idiots et en se demandant si par hasard tous ces gens-là ne la prenaient pas pour une folle. L’homme retournait maintenant du côté de la Burg et semblait se diriger tout doucement vers les murs du palais impérial.
– Je trouverai bien là une sentinelle qui m’écoutera, si je sais lui parler posément, dit la jeune fille… et à ce moment elle découvrit, sur l’autre trottoir, deux messieurs habillés de longs pardessus noirs, comme ceux qu’elle avait vus dans le vestibule d’Annagasse. Le pardessus avait un petit col de faux astrakan. Ils étaient coiffés de petites toques rondes. À ces détails elle se rappela qu’on lui avait dit qu’on reconnaissait à ce faux ornement et à ce genre de coiffure les agents de la Sûreté.
« Eh ! ce sont des agents de la Sûreté ! Comme ceux du vestibule ! Ah ! le bandit ! il est déjà soupçonné ! surveillé ! » Et elle courut aux agents de la Sûreté. Ceux-ci, en entendant des pas précipités derrière eux, s’arrêtèrent, et si Mlle Berthe n’avait suspendu sa course de son propre mouvement, il est probable qu’ils l’auraient interrompue eux-mêmes.
– Que voulez-vous ? lui demandèrent-ils, la voix rude et l’œil soupçonneux.
L’institutrice attendit qu’elle pût parler avec calme.
– C’est bien l’homme au manteau que vous suivez ? leur fit-elle.
Les autres répondirent affirmativement, tout en lui faisant entendre qu’elle s’occupait de choses qui ne la regardaient pas.
– Qu’est-ce que vous attendez pour l’arrêter ?
Encore deux qui partent à rire, qui confessent qu’« elle est bien bonne » ! Puis ils font demi-tour et, au pas, reprennent leur service dans le dos de l’homme au manteau. Cette fois, complètement hébétée, la pauvre Berthe regarda d’un œil morne le « colonel » pénétrer dans le palais impérial par une toute petite porte devant laquelle se tenait une grande sentinelle. La grande sentinelle porta les armes.
– Ah ça ! mais, me dira-t-on ce que c’est que ce bonhomme-là ? s’écria-t-elle.
Un soldat qui sortait de la Hofburg lui répondit :
– Ce bonhomme-là, mademoiselle, c’est l’empereur !
Elle s’évanouit…