I – LA PRISON DE LA RUE DE L’ÉTOILE

Quand on avait traversé la Hofburg et qu’on était entré dans la rue des Juifs, on trouvait à main gauche une étroite et sale rue, et l’on ne tardait pas à arriver devant une vieille construction sinistre qui s’élevait au fond d’un cul-de-sac. C’était la prison de la rue de l’Étoile.

Cette prison de la rue de l’Étoile répond un peu, dans sa destination, à notre « Dépôt ». Comme les cachots y étaient profonds et les grilles solides, il ne faut point s’étonner que les conjurés du Caveau y eussent été immédiatement conduits. Cette prison, en effet, s’élevait tout à côté du Burg. C’est là que fut jeté Rynaldo.

On lui avait fait l’honneur d’une cellule spéciale. Il y passa le reste de la nuit au milieu des plus étranges et des plus sinistres réflexions. Cependant il pensait peu à la trahison dont il avait été certainement victime et au sort qui l’attendait : le destin de Myrrha le préoccupait davantage. Mais surtout sa pensée se heurtait follement à l’apparition de Stella, ou plutôt à l’apparition de celle qu’il avait cru être Stella, dans le chœur de la chapelle. Et Stella, c’était Régina ! ou plutôt non…, Régina n’était pas Stella. La « petite matelassière » ne pouvait être la fille du roi de Carinthie. C’était absurde ! La Reine du Sabbat, son épouse en Ciganie, selon la mode de la Porte-de-Fer, celle qui commandait aux hordes errantes de la nation vagabonde, serait la nièce de l’empereur François : la fiancée de Karl le Rouge ! Allons donc ! Il fallait rire de cela !

Mais il n’en riait pas. Et Rynaldo, assis sur sa couchette de bois, les chaînes aux pieds, était fort sombre quand se leva le jour… Il considéra les choses autour de lui et murmura tout haut :

– Je suis au fond des catacombes ! et Stella ou Régina – ni l’une ni l’autre ne viendra me chercher ici…

À ce moment, il entendit un pas dans le corridor ; puis on tira des verrous. Une clef grinça dans la serrure et un geôlier fit son apparition. Il apportait le déjeuner du prisonnier, déjeuner qui se composait d’une soupe dans une écuelle de fer, d’une cruche d’eau et d’un pain noir. Le geôlier fit sonner ses clefs, ne prononça pas un mot, ne regarda même pas le prisonnier et s’en alla après avoir fort soigneusement tout refermé derrière lui.

Rynaldo avait faim. Il souleva son écuelle. Une cuiller y était attachée par une chaînette. Il plongea sa cuiller dans sa soupe à laquelle il trouva une couleur peu appétissante, et, l’ayant goûtée, une saveur moins engageante encore. Si bien qu’il se rejeta sur son pain noir, qu’il rompit avec assez de difficulté tant il était dur. Mais, l’ayant rompu, il ne put retenir une sourde exclamation. Ses doigts avaient rencontré, froissé un papier sur lequel il lut à la lueur grise qui lui venait de sa lucarne : « Mon Rynaldo, si l’occasion – même celle qui te paraîtra la plus extraordinaire – s’offre à toi de sortir très prochainement de ta prison, de quelque part qu’elle vienne, accepte-la. Il le faut. » Ce n’était pas signé, mais ces mots, dont il reconnaissait l’écriture, étaient suivis du cachet de l’Heure-Rouge, du cachet des « Deux heures et quart » : le disque de montre avec les aiguilles placées à l’heure qu’il fallait. Stella ! – c’est encore ce mot qu’il prononça le premier – Stella veillait sur lui. Stella allait le sauver ! Stella ! Et il pensa à Régina.

La journée se passa. Le jeune homme avait bu l’eau de sa cruche, avait refusé sur le soir de toucher à une seconde soupe aussi nauséabonde que la première, mais en revanche avait montré beaucoup d’appétit pour le morceau de pain noir que le geôlier lui avait à nouveau apporté. Hélas ! cette fois il ne trouva aucune correspondance.

Le lendemain matin, le jeune homme dut encore manger son pain tout sec, et il commençait de se désespérer en considération de Myrrha dont il n’avait point de nouvelles. Et bien qu’il pensât que sa sœur ne manquerait de rien tant que la « petite matelassière » serait libre de subvenir à ses besoins, il ne pouvait s’empêcher d’être très péniblement impressionné par une aussi parfaite claustration qui lui laissait tout ignorer des êtres qui lui étaient les plus chers.

L’état d’esprit de Rynaldo était donc des plus pénibles quand la porte de sa geôle s’ouvrit, non point sur un geôlier, mais sur un « monsieur » de mine sévère et qui pouvait très bien être le directeur de la prison, car ses mains portaient un trousseau d’épaisses et solides clefs.

Ce respectable homme laissa passer devant lui, en s’inclinant, une jeune personne du sexe aimable dont la mine détente et légèrement attristée s’éclaira de curiosité en apercevant Rynaldo. Quant à Rynaldo, il fut debout d’un bond. La surprise était vraiment trop vive et il lui avait été impossible de dissimuler le coup qui le frappait, à l’aspect de la « petite matelassière ».

Le geste du jeune homme fut si brusque que le directeur de la prison (car c’était bien lui) eut un mouvement en avant comme pour protéger sa visiteuse. Mais il se rassura tout de suite, Rynaldo était maintenant immobile, la poitrine battante, écoutant cet homme qui, plein de déférence pour la visiteuse (qu’il traitait en princesse) lui recommandait de ne point trop s’approcher du prisonnier, lequel lui avait été recommandé comme le plus dangereux de ceux que la garde lui avait amenés l’avant-dernière nuit. « Ah ! c’est bien elle ! c’est bien elle ! songeait le jeune homme, haletant. C’est bien elle, la princesse de la chapelle des Morts, c’est bien elle, la Reine du Sabbat, c’est elle, ma Stella ! Je ne me trompais pas ! c’est bien elle, toute seule. Elle est deux et elle est une et c’est la mienne ! Elle est à moi ! Elle vient me sauver ! » Et il ferma les yeux pour ne point laisser apercevoir la joie dont son cœur débordait.

Il ferma donc les yeux et il ne la vit plus, mais il l’entendit. Elle posa une question insignifiante, relative à l’ordinaire des prisonniers. Alors il tressaillit, une sueur froide commença de lui couler du visage. Ça n’était plus ça, la voix ! Non ! non ! ce n’était pas ça ! Oh ! il s’en fallait de peu, de très peu ! d’un rien… d’un imperceptible rien, d’un rien que peut-être « quelqu’un qui n’aimait pas » n’eût pu percevoir… mais quelqu’un qui aimait comme lui, de toute son âme et aussi de toutes ses oreilles, ce quelqu’un saisissait ce rien-là et savait bien que ce n’était pas ça ! Non, ça n’était pas la voix de Stella. Ce n’était pas Stella. Il rouvrit les yeux.

Alors la princesse posa quelques questions au prisonnier, auxquelles celui-ci ne daigna même point répondre, bien que M. le directeur incitât Rynaldo à plus de politesse. La porte de la cellule était restée entr’ouverte. On ne craignait guère que Rynaldo s’échappât, à cause des chaînes dont il était chargé. Par la porte, une voix grave et un peu cassée, la voix d’une vieille dame, appela la princesse…

– C’est vous, Orsova ? demanda la visiteuse. Qu’étiez-vous donc devenue ?

Et une vieille et noble dame, toute droite encore, mais un peu tremblante sur ses vieilles nobles jambes, entra dans la cellule, s’appuyant sur un bâton. Cette dame devait être la gouvernante, la dame de compagnie de la petite princesse, car elle s’excusa de s’être arrêtée pour reposer ses vieilles jambes qui avaient perdu tout le ressort de la jeunesse. En revanche la langue avait gardé toute son élasticité, car elle n’arrêta point de babiller, la vieille noble dame ! Orsova considérait Rynaldo, et elle ne cessait de répéter :

– Comme il est beau ! comme il est beau ! Voilà bien le digne héritier des chefs de la Porte-de-Fer. Et regardez, princesse, avec quel air il porte le costume des bans de la Croatie !

Rynaldo, qui avait croisé les bras et pris une attitude fort méprisante vis-à-vis de ces deux femmes qui le dévisageaient outrageusement, brusquement, leur tourna le dos. Mais la vieille noble dame l’étudia par-derrière, comme elle l’avait regardé par-devant, et elle continua de répéter :

– Comme il est beau ! comme il est beau !

Sur quoi Rynaldo, rouge de honte et de colère, se jeta tout de son long sur sa couchette de bois dur.

La gouvernante trouva le moyen de féliciter une dernière fois le ban de Croatie sur l’harmonie de ses formes, et s’exprima en termes très élogieux sur le courage dont il avait fait preuve dans une circonstance où d’autres avaient montré tant de lâcheté. Elle lui dit que tout le monde parlait à la cour de Rynaldo, et qu’il était l’homme du jour. Sur quoi ces dames prirent congé sans avoir obtenu un mot du prisonnier, et le ban de Croatie se retrouva tout seul, livré à ses réflexions et à sa rage.

Le lendemain de cette visite, à peu près à la même heure, la porte de sa cellule s’ouvrit à nouveau et à nouveau il vit apparaître la petite princesse accompagnée de la vieille noble dame. Comme il était alors étendu sur sa couchette, il n’eut qu’à se retourner fort impoliment du côté du mur pour ne plus les voir. Mais il dut entendre qu’on approchait des chaises et qu’on s’installait chez lui et qu’on refermait la porte. D’abord ce fut la voix du directeur, exprimant toute la satisfaction qu’il avait à voir d’aussi nobles visiteuses s’intéresser à un de ses pensionnaires, et puis la gouvernante posa une question à la princesse, laquelle princesse pria la dite gouvernante de se taire. À cette dernière voix – celle de la princesse – Rynaldo eut un léger sursaut.

Ah çà ! mais, est-ce qu’il redevenait fou ? Est-ce que son hallucination allait recommencer ? Est-ce qu’il allait encore se tromper ? Est-ce qu’il allait recommencer à confondre ? Car c’était bien sa voix, à elle, ah ! tout à fait, tout à fait la voix de Stella. Cette fois, il n’y avait aucune différence ! aucune ! Le petit rien imperceptible avait disparu même pour lui qui, la veille encore, le percevait si bien !

Et cependant il ne pouvait douter qu’il avait derrière lui la même petite personne avec sa même gouvernante. Il l’avait bien vue, cette demoiselle, avant de se retourner. Il attendit qu’elle parlât encore. Ce ne fut pas long. Elle s’adressait à lui. Elle lui demandait des nouvelles de sa santé et si le régime de la prison ne commençait pas à lui peser.

Ah ! la voix ! la voix ! Ce fut irrésistible. Il se retourna, se trouva en face d’elle, se mit debout en face d’elle ! Et tout de suite son trouble fut tel que, charitablement, la princesse, qui crut que le prisonnier « avait une faiblesse », pria celui-ci de s’asseoir ; ce qu’il fit, car il lui paraissait impossible de désobéir à la voix.

Est-ce qu’il n’avait pas toujours obéi à celle de Stella ? Car c’était Stella, en brune… avec une mèche blanche sur le front… Alors il crut se rappeler que, la veille, il n’avait point vu cette mèche-là… Et il osa, d’une voix tremblante, demander à sa jeune visiteuse si elle n’était point déjà venue le voir la veille. La visiteuse lui répondit que non, qu’il avait la veille reçu la visite de sa sœur, la princesse Tania. « Moi, je suis la princesse Régina de Carinthie. »

– Celle qui m’a sauvé ! murmura-t-il d’une voix frémissante. Celle qui s’est jetée à la bouche des canons ?

– Celle-là… elle-même ! c’est moi ! dit la petite princesse.

Et elle rit de tout son cœur, sans aucun trouble, en fixant Rynaldo bien droitement, d’un regard qui lui aussi riait, mais qui – quoique le regard de Rynaldo l’interrogeât, avec une ardeur enflammée – ne signifiait rien d’autre sous sa banale joie. Rynaldo se prit les tempes dans ses mains comme s’il avait peur que sa tête n’éclatât. Car enfin, cette Régina était aussi calme qu’il était affolé, aussi paisible que si elle n’avait pas été – peut-être – Stella, aussi simple que si elle n’avait pas été double ! Et elle lui parlait tranquillement comme une princesse qui ne doit s’étonner de rien.

Rynaldo fit une tentative. Il mit toute son âme dans son regard et, penché sur la princesse, il lui demanda :

– Pourquoi m’avez-vous sauvé ?

– Mon Dieu ! fit-elle sans émoi, et même avec une certaine indifférence, parce que j’avais besoin d’un écuyer !

Chose extraordinaire, cette réponse qui l’eût fait bondir en d’autres temps, en lui prouvant qu’il ne pouvait y avoir entre une princesse et lui d’autres rapports que ceux qui peuvent rattacher un instant le maître au domestique, cette réponse ne froissa pas Rynaldo… parce qu’elle était prononcée avec cette voix-là, parce que Rynaldo, malgré l’invraisemblance, se criait dans son cœur : « C’est elle ! c’est elle ! c’est elle ! » Il essuya la sueur qui trempait son front pâle et répondit :

– Vous avez donc failli vous faire tuer, Altesse, pour sauver un pauvre écuyer ?

– Un jour, répliqua-t-elle, je me suis jetée dans la mer pour sauver un petit king charles qui se noyait.

– Vous l’aimiez donc bien ? interrogea le jeune homme avec astuce.

– Moi ? Je ne le connaissais pas !

Rynaldo baissa la tête. Quand il la releva, il avait des larmes dans les yeux. Pourquoi le faisait-elle souffrir ainsi « puisque c’était elle ! » Elle ne parut point, du reste, s’inquiéter de l’humidité des yeux du jeune homme. Elle dit :

– Voulez-vous être mon écuyer ? J’ai besoin de vos leçons. Je vous ai vu monter en haute école, vous êtes admirable ! Vous montez avec une sûreté, et vous obtenez de votre bête des effets d’une élégance incomparable. Je veux monter comme cela !

À ces mots Rynaldo se sentit bien chaud au cœur.

– Comment savez-vous, princesse, demanda-t-il, comment savez-vous que je monte en haute école ?

– N’êtes-vous point l’écuyer masqué ? L’écuyer masqué du cirque Prater ?

Rynaldo triomphait : il n’y avait que la « petite matelassière » qui sût cela, il n’y avait qu’elle qui connût ce secret qu’il n’avait même point confié à Myrrha.

– Je ne suis que le pauvre étudiant Rynaldo, répliqua-t-il avec une fausse modestie.

– Vous êtes l’écuyer masqué du cirque Prater. Vous êtes le ban de Croatie dont vous portez le costume, et vous serez mon écuyer ! s’exclama-t-elle, joyeuse.

Rynaldo lui planta son regard dans les yeux.

– Comment savez-vous cela ?

– Cela ne vous regarde pas ! fit-elle, cinglante cette fois, et avec une étrange hauteur dans le ton et dans l’attitude. Et je trouve étrange qu’un pauvre prisonnier ose m’interroger ! Qu’il vous suffise de savoir, monsieur, que si j’avais ignoré que le ban de Croatie et l’écuyer de Prater ne fussent qu’un, vous seriez mort à cette heure ! C’est en apprenant dans le cabinet de Sa Majesté qu’on allait massacrer le ban de Croatie, dans le souterrain de la chapelle des Morts, que je suis allée sauver l’écuyer ! Car le ban de Croatie, je m’en moque ; mais l’écuyer, je le veux ! L’aurai-je ? lui demanda-t-elle en terminant, et cette fois en le brûlant à son tour de son regard de flamme.

Rynaldo était le plus heureux des hommes. Ah ! il avait reconnu, à ne plus s’y méprendre jamais, non seulement la voix, non seulement le regard, mais encore le geste, le geste de la « petite matelassière », le geste qui cravache de la Reine du Sabbat.

– Madame, répondit-il, avec la plus humble des attitudes, je suis votre serviteur !

– Mais il ne faudra plus faire de politique ! Je l’ai promis à l’empereur. J’espère d’ailleurs que cela ne vous privera pas de ne point faire de politique avec MM. les délégués fédéraux et les « frères du cabaret ». Ils vous ont tous trahi. Ils se sont tous trompés les uns les autres ! M. de Brixen les a tous « dans son portefeuille ». Pendant que vous rêviez de la fédération des peuples du Bas-Danube, ils ne songeaient qu’à se vendre ou à se procurer des avantages au détriment du voisin. Vous êtes un enfant, monsieur le ban de Croatie, un enfant qui sait bien monter à cheval. Vous avez été mal conseillé, mal entouré. Tout est rentré dans l’ordre, à Vienne. Et vous, vous rentrerez au palais, c’est entendu ? Nous ferons de la haute école, monseigneur de la Porte-de-Fer ! Est-ce dit ? Allons ! Allons ! je l’ai promis à l’empereur, et je l’ai promis aussi à Mlle Myrrha, votre sœur, qui est venue hier se jeter aux pieds de Sa Majesté, et que j’ai relevée moi-même, en lui promettant que vous seriez libre aujourd’hui et que vous seriez mon écuyer demain.

« Stella ! » murmura la voix reconnaissante de Rynaldo, si bas que non seulement la vieille gouvernante et M. le directeur ne purent l’entendre, mais que la princesse Régina elle-même ne prit point garde à ce nom qu’elle n’avait peut-être, après tout, jamais entendu. La princesse s’était levée.

– Monsieur, votre faute a été grande et vous avez beaucoup à vous faire pardonner ! Vous allez me répondre par un oui ou par un non, car vous allez comprendre toute la gravité de ma question. Consentez-vous à faire partie de la maison de l’empereur ? Il faut me répondre, bien haut : « Oui, j’y consens ! »

– Oui, madame, j’y consens ! répéta sans hésitation le jeune homme qui se rappelait la recommandation de la « petite matelassière » : « Accepter la liberté de quelque part qu’elle vint. » Il croyait à un subterfuge et que tout s’expliquerait le lendemain, et il acceptait un marché qu’il aurait repoussé avec horreur s’il n’avait été persuadé que par un miracle, la princesse Régina et la Reine du Sabbat ne faisaient qu’une seule et même personne. Dans le moment il se croyait très fort, et certain de sa malice, il demanda à la jeune fille, qui ne le regardait même plus, et qui se préparait à sortir de sa cellule :

– Je devrai donc, mademoiselle, vous apprendre à monter en haute école ? J’entre dans vos écuries ?

La princesse se retourna vivement :

– Oh ! monsieur, nous ferons de vous mieux qu’un palefrenier ! Il paraît que vous parlez merveilleusement la langue romani, comme un véritable descendant de Réginald Iglitza, que, m’a-t-on dit, vous êtes ! Eh bien ! quand vous aurez fini de m’apprendre à monter à cheval, vous apprendrez la langue romani à Sa Majesté l’impératrice Gisèle, qui désire la connaître. Adieu, monsieur !

Et elle quitta la cellule sans même se retourner, ayant conclu marché avec lui. Rynaldo se dit : « Elle est étonnante ! Quelle comédienne ! Elle est sûrement digne d’être la Reine du Sabbat ! » Et comme la porte de sa cellule se refermait sur sa solitude, il envoya à sa maîtresse un baiser à travers les murs.

… Une demi heure ne s’était pas écoulée que les pensées de Rynaldo n’étaient plus déjà aussi limpides. L’identité d’une « petite matelassière » avec une princesse royale de Carinthie lui réapparaissait comme un de ces phénomènes dont il est sage de se méfier. Enfin une phrase venait lugubrement sonner à son oreille, une phrase que cette princesse Régina, qui ressemblait tant à Stella, disait à Karl le Rouge : « J’aime mieux mourir que de vous laisser accomplir un crime qui m’empêcherait de vous aimer ! »