ÉPILOGUE

À Corfou, il y a le plus beau palais du monde. C’est le palais que s’était fait construire l’impératrice Gisèle. Ce palais, elle l’a légué à la princesse Ethel, à Tania de Carinthie, mais c’est Stella qui l’habite. Car Stella n’est point morte, puisque les baumes et les élixirs de Ghiska ont sauvé Rynaldo. Et ce matin, dans toute la force et la grâce de sa jeunesse et de ses amours, il apparaît entre les colonnes du palais de marbre, le couple de héros. Ils s’appuient l’un sur l’autre dans une adorable attitude de confiance et d’amour, de bonheur, de lassitude et de langueur.

Ce matin-là, ils sont allés embrasser celle qui se lève avant l’aurore, la dolente et toujours un peu triste, mais combien calme, maintenant qu’elle s’est tant soulagée, et, ma foi, tout à fait raisonnable Marie-Sylvie, qui a enfin reconnu ses grandes filles et qui vit de compagnie avec la douce et mélancolique Myrrha, aux yeux clos… qui est devenue sa grande amie.

Puis Rynaldo et Régina se sont dirigés plus tôt que de coutume vers le péristyle de marbre polychrome, d’où l’on aperçoit la haute mer… Et tous deux regardent, interrogent l’horizon, lui demandant un beau navire, le beau navire sur lequel Tania et le prince Ethel ont coutume de les venir voir incognito…

Car tout est pardonné ! Tout est oublié ! Et le prince héritier d’Austrasie doit tant à Stella la cigaine que c’est lui qui, un jour, lui a amené sa femme, sa Tania, qui s’est mise à genoux devant Régina qui pleurait… Et maintenant il y a encore de beaux jours pour la pauvre Marie-Sylvie entre ses deux filles ressuscitées et réconciliées.

On n’a jamais plus entendu parler de Léopold-Ferdinand ni de Karl le Rouge. Le bruit a couru qu’ils avaient bien pu périr dans l’incendie de la tour Cage-de-Fer de Neustadt.

Quant à l’empereur, on peut le voir tous les soirs, vers dix heures, quitter la Hofburg par la petite porte secrète de l’Augustinergasse, et se rendre bien bourgeoisement chez sa « bourgeoise », où le père Rossi l’attend, avec quelques autres amis éprouvés, pour sa partie de tarots. Le jeune Édouard fait de grands progrès en équitation et se destine à la carrière des armes. Et peut-être serait-il temps, avant de clore le récit de cette formidable aventure, de vous donner des nouvelles de notre Petit-Jeannot et de son ami M. Magnus. Les deux camarades se sont si bien conduits à la bataille de la Porte-de-Fer que la Reine du Sabbat a déclaré qu’elle ne se séparerait jamais d’eux. Donc Petit-Jeannot et M. Magnus vivent dans le palais de marbre de Corfou. Vous pensez bien qu’ils n’y sont pas mal. Petit-Jeannot est marié à Mlle Berthe, et M. Magnus est marié à Mlle Lefébure. Petit-Jeannot et Mlle Berthe font un couple touchant. Petit-Jeannot est toujours à genoux devant Mlle Berthe. C’est, en somme, la meilleure position qu’il ait trouvée pour pouvoir l’embrasser sans se donner un tour de rein.

Ghiska, la bohémienne de la Forêt-Noire, est devenue la concierge du palais.

… Et tout le monde est heureux à Corfou, où le ciel et la mer sont toujours bleus.

FIN