DEUXIÈME CHAPITRE – LE MARIAGE.

I – LE ROI FRANÇOIS Ier

Nous prierons nos lecteurs de nous suivre au château du Louvre. Nous passerons à travers la cohue des courtisans, et nous nous arrêterons un instant dans un salon écarté.

Là, quatre personnages étaient réunis. C’étaient, d’une part, François et Henri, les deux fils du roi, et, d’autre part, Roncherolles et Saint-André, qui venaient d’arriver. Les deux frères, enchaînés l’un à l’autre par la haine, ne se quittaient pas.

C’est que les deux frères adoraient la même femme. Ensemble, ils l’avaient vue pour la première fois sous les peupliers de la Seine et chez tous deux, la passion s’était déchaînée.

À l’entrée de Roncherolles et Saint-André, les deux princes eurent le même mouvement d’interrogation angoissée.

– Nous connaissons le bien-aimé ! s’écria Saint-André.

– Nous savons qui est la fille, dit Roncherolles.

– Qui est-elle ? interrompirent les deux princes.

– La fille du seigneur de Croixmart.

– Tué hier en place de Grève ! ajouta Saint-André.

Aucun des deux frères ne songea que la mort tragique du père pouvait les faire renoncer à leurs projets.

– Seule, maintenant ! dit François avec un soupir.

– Et sans défense ! dit Henri avec un sourire.

– Et l’homme qu’elle aime ?… grondèrent-ils tous deux.

– Il s’appelait Renaud, dit Roncherolles.

– Cette nuit, ajouta Saint-André, nous lui avons vu faire quelque chose d’étrange… Prenez garde, messeigneurs. Qui sait quelles protections couvrent les agents de l’enfer ?…

– Qu’avez-vous donc vu ? murmurèrent les princes.

– Quelque chose, dit Roncherolles, qui a fait reculer de terreur la ronde que nous conduisions…

– Et quelque chose, se hâta d’ajouter Saint-André, qui vous débarrassera de cet homme, s’il est d’essence humaine…

– Comment cela ? firent avidement les deux frères.

– Voici, messeigneurs. Passant sur la place de Grève, nous avons vu ce Renaud, agenouillé sur les cendres du bûcher où a été brûlée la sorcière. Un spectre noir l’accompagnait. Il enlevait les ossements de la sorcière !…

Les deux princes frémirent. Roncherolles acheva le récit :

– Ossements destinés sûrement à un maléfice. Renaud est criminel : il n’y a plus qu’à le faire brûler !

– C’est vrai ! rugit Henri. Je cours chez le roi.

– Non ! grinça François. C’est à moi, l’aîné, d’y aller !

Les deux frères se mesurèrent du regard. Des paroles confuses s’échangèrent, les grondements de deux tigres face à face. À ce moment, une tenture se souleva, et Saint-André cria :

– Le Roi !…

C’était en effet François Ier, le roi batailleur et galant, qu’il nous faut ici présenter en quelques mots. Pour cela, nous entrerons dans une magnifique salle où le roi François Ier et le connétable de Montmorency pénètrent ensemble. François Ier est rentré à Paris depuis quelques jours après une trêve signée avec Charles-Quint, et Paris lui a fait une splendide réception.

François Ier venait d’avoir son tour de triomphe. Il avait jeté sa griffe sur les Savoies, et Charles avait demandé une trêve…

Le roi de France, donc, pénétrait avec Anne de Montmorency dans son cabinet de travail. Le connétable regarda le roi qui se mit à rire.

– Eh bien ! Parle. Mais d’abord, laisse-moi te féliciter. Quel appétit ! Je voudrais avoir tous les jours des convives tels que toi à ma table ! Moi, je n’ai pas mangé.

– Sire, dit Montmorency, Sa Majesté Charles-Quint rassemble soixante à quatre-vingt mille combattants, et dans trois mois…

François Ier se mit à arpenter son cabinet. Il avait conservé cette élégance qui faisait de lui le plus beau gentilhomme de son royaume.

– Quelle entrée ! s’écria-t-il. As-tu vu comme les femmes agitaient leurs écharpes et comme elles étaient jolies ? Dieu me damne, elles sont toutes amoureuses de moi !

Anne de Montmorency redressa sa taille de géant.

– Sire, dit-il, lorsque l’empereur aura sous sa main l’armée qu’il rassemble, il rompra la trêve. Alors, sire, le vautour impérial fondra sur vos provinces, et…

– Et nous lui opposerons ta rude épée, mon connétable, cariatide de mon trône ! Ah ! par tous les diables, laisse-moi m’enivrer de vie, après m’être tant enivré de mort sur les champs de bataille !… Oui, je sais ! J’aurais dû achever le sanglier !… Que veux-tu ! Tu ne peux comprendre, toi, géant d’acier, qu’un cœur d’homme batte dans ma poitrine…

– Toujours l’amour ! Maudites soient les femmes !

– Amen ! dit François Ier en éclatant de rire. Allons, rassure-toi. Il y aura encore de beaux carnages par le monde. Prends ton temps. Et prépare-nous une expédition qui écrase pour toujours le sanglier. En chasse. Et en attendant, vive l’amour !

Le connétable s’inclina jusqu’à terre, admirant que le roi pût parler si bellement de l’amour tout en donnant de ce ton léger un ordre de guerre qui devait mettre le feu à l’Europe.

– Sire, dit-il, ces paroles de roi me suffisent.

– Bon. Maintenant, va-t’en. Moi je m’en vais dire bonjour à mes gentilshommes qui, paraît-il, sont férus de me voir.

C’était vrai. Assemblés au Louvre, mille gentilshommes attendaient François Ier pour le féliciter de son triomphe et de son retour. Le roi se dirigea vers la réception, épanoui, saluant ses officiers avec grâce, pinçant l’oreille à ses suisses en riant, adressant aux dames qu’il rencontrait de merveilleux et lestes compliments et chacun s’apprêta à recevoir quelque étincelle de cette gerbe éblouissante qui allait retomber en faveurs.

François Ier parvint à ce salon isolé où nous avons vu réunis quatre personnages. Devant la lourde tapisserie tendue sur la porte ouverte, le roi s’arrêta : deux voix échangeaient là des paroles où rampait l’envie, où sifflait la haine. Et ces voix, le roi les reconnut. C’étaient celles de ses deux fils : François, dauphin de France, et Henri, le jeune mari de cette adorable créature dont raffolait toute la cour, à l’exception de l’époux… Catherine de Médicis !

– Ils se haïssent ! gronda-t-il. Ah ! Devrai-je quitter ce monde avec cette pensée que je laisse derrière moi deux frères jaloux jusqu’à s’entre-tuer et à déchirer mon royaume !

Il écouta quelques minutes. Et alors, un sourire détendit ses lèvres : une flamme pétilla dans ses yeux :

– Dieu soit loué : il ne s’agit que d’une femme !…

II – LES DEUX FILS DU ROI

François, héritier de la couronne, était un jeune homme d’environ vingt-quatre ans. Henri, Duc d’Orléans, deuxième fils du roi, époux de Catherine de Médicis, n’avait pas atteint son vingtième printemps. Ils avaient tous deux cette élégance native de la race des Valois à son apogée. Ils étaient également beaux. On eût cependant observé chez François plus d’orgueil violent, et chez Henri plus de douceur cauteleuse.

C’étaient deux insatiables chercheurs d’aventures amoureuses, s’aidant quelquefois, cherchant le plus souvent à se voler l’un à l’autre leurs conquêtes, sceptiques, insoucieux des déshonneurs qui naissaient sous leurs pas.

– Écoutons encore ! murmura le roi souriant.

– Mon frère, disait Henri, vous êtes le premier du royaume après le roi. Aujourd’hui, je ne suis que le fils du roi. Quand vous régnerez, je ne serai que le frère du roi. Ah ! comment pouvez-vous me disputer le pauvre bonheur d’aimer cette fille ?

– En amour, Henri, chacun pour soi et le Diable pour tous ! N’avez-vous pas cette fleur magique venue d’Italie ? Vous aimez cette petite Marie ? Mais je l’aime aussi, moi ! Mort-diable, je la disputerai à quiconque, l’épée au poing, s’il le faut !

– Enfer ! murmura Henri, plutôt que de vous céder Marie…

– Eh bien ! que ferez-vous ? gronda François.

Les deux frères se jetèrent un regard de haine.

– Le roi ! cria Albon de Saint-André.

– Le roi ! murmurèrent les deux frères en se retournant.

– Jour de Dieu ! fit joyeusement François Ier en s’avançant. Voici qu’on se dispute à propos d’un jupon ? Silence ! Allons, qu’on s’embrasse à l’instant et qu’on fasse la paix !

François et Henri se jetèrent dans les bras l’un de l’autre. Mais sans doute le baiser qu’ils échangèrent ressemblait à une morsure de haine, car le père pâlit.

– Enfants, dit-il. Deux frères qui se veulent le mal de mort pour une fille ? Eh ! morbleu, tirez-la au sort ! Est-elle jolie, au moins ?

– Ah ! sire. Figurez-vous une admirable chevelure de madone blonde, des lèvres vermeilles comme une grenade…

– Des yeux bleus, ajouta François, si bleus que, près de ces yeux-là, l’azur du ciel semble moins pur…

– Holà ! cria le roi en riant. Je connais cette antienne. Assez, ou vous allez me forcer à me mettre sur les rangs !

Les deux princes frémirent. Car il était arrivé que François Ier les avait mis d’accord en jouant le troisième larron. Roncherolles gronda à l’oreille du dauphin :

– Et l’arrestation, monseigneur ! Si vous n’arrêtez pas l’homme, la belle vous échappe !

Albon de Saint-André pâlit de s’être laissé devancer.

– Sire, dit le dauphin, deux serviteurs de Votre Majesté, le comte de Saint-André et le baron de Roncherolles, après la bagarre d’hier, ont fait bonne garde. Menant une ronde place de Grève, ils ont vu un certain Renaud, se livrer à une besogne peut-être démoniaque et à coup sûr criminelle. Il faut que cet homme soit arrêté, jugé, condamné. Sire, un ordre de vous, et cet homme meurt !…

– Encore des histoires de sorcellerie ! grommela le roi. Elles nous réussissent bien !… Croixmart en sait quelque chose.

– Sire ! s’écria Henri. Cet homme a été vu enlevant les ossements de la sorcière brûlée hier.

– Eh bien ? fit le roi d’un ton bourru.

– Sire, il faut arrêter ce Renaud, et lui faire son procès.

– Non pas, par la mort-dieu ! Assez de procès en sorcellerie. Hier, nous avons eu une émotion qui a failli tourner à la sédition. Mes enfants, apprenez à sourire au lion, afin de le mieux dompter. Paris nous a dit hier qu’il ne veut pas qu’on lui brûle ses sorciers et ses sorcières.

François et Henri se regardèrent. Roncherolles et Saint-André soupiraient de rage. Le roi se dirigea vers la porte. La main sur le bouton de cette porte, il se retourna, la figure soudain assombrie :

– Amusez-vous, enfants, amusez-vous comme s’est amusé votre père. Croyez-en votre roi ! Prenez garde de mettre un remords dans votre vie ! On voit une fille, on la trouve jolie, elle succombe… et on l’oublie ; alors, on croit que c’est fini ! Dix ans, vingt ans plus tard, un spectre éploré s’en vient rôder autour de vous. Alors, on s’aperçoit que ce spectre, c’est celui de la fille qu’on a cru oublier ! Alors, en entend des imprécations monter de quelque tombe solitaire, et on se dit : Je suis maudit !…

Saisis d’une sorte d’effroi, pâles, les deux princes écoutaient…

– Tout est perdu ! dit Henri. La fille nous échappe !

– Rien n’est perdu, dit tranquillement Roncherolles.

– Sans aucun doute ! se hâta d’ajouter Saint-André. Puisque le roi refuse de faire arrêter l’homme…

– Eh bien ! cria Roncherolles, nous le ferons disparaître !

– Vous vous en chargez ? haletèrent les deux princes.

– Nous nous en chargeons !

Les deux royaux sacripants furent rassurés. Et, la jalousie se déchaîna en eux. Ils se rapprochèrent l’un de l’autre.

– Suivons-nous le conseil du roi ? haleta François.

– Lequel ? grinça Henri. Celui de craindre le remords ?

– Non, rugit François, celui de la tirer au sort !

– J’allais vous le proposer ! gronda Henri furieusement.

– Des dés ! hurla François.

– En voici ! dit Saint-André.

Albon tira de dessous son manteau un cornet de cuir comme en portaient toujours les joueurs. Au moment où il allait y ajouter les dés, Roncherolles en jeta sur la table et dit :

– Tu fournis le cornet, moi les dés ; chacun son apport.

– Et chacun sa part. C’est juste, dit Saint-André.

– Qui commence ? fit Henri dans un grondement de fauve.

– Moi ! râla François. Par droit d’aînesse !

– Soit ! rugit Henri dont le regard flamboya d’envie.

François saisit les dés, les jeta dans le cornet, les agita.

– Convenons d’un règlement d’honneur, reprit Henri.

– C’est vrai ! grinça François. Soyons gens d’honneur.

– Celui qui aura perdu devra prêter ce soir aide et assistance loyales à l’autre. Cela vous convient-il ? Jurez !

– Je jure !…

Les deux frères, un instant, gardèrent le silence. François secoua les dés. Mais Henri l’arrêta :

– Celui qui aura perdu devra renoncer à jamais à la fille et ne jamais entreprendre contre elle. Jurez !

– Je jure, gronda François. Jurez aussi, vous !

Henri répéta le serment.

François agita le cornet, les dés roulèrent sur la table.

– Trois ! cria Saint-André.

François eut un rugissement de rage ; il avait amené un et deux, c’est-à-dire qu’il avait toutes les chances possibles de perdre, chaque dé portant six numéros, de un à six.

– C’est bien, dit François ; je crois que j’ai perdu.

Henri, à son tour, jeta les dés sans regarder, avec un sourire de triomphe. Dans cet instant même, Roncherolles disait :

– Deux !… Ah ! monseigneur, voilà un triste coup de dés.

François jeta un hurlement de joie ; Henri, hagard, mordit la main qui avait agité le cornet et râla :

– Malédiction !

III – LE MARIAGE SE FERA-T-IL ?

La maison de la rue de la Tisseranderie où s’était réfugiée Marie de Croixmart était petite, d’extérieur modeste, mais bien pourvue à l’intérieur. L’art imaginatif de la Renaissance triomphait là. Cette maison, Marie la tenait en propriété de sa mère, avec deux autres, dont l’une rue Saint-Martin, et l’autre, rue des Lavandières, en face du cabaret de l’Anguille-sous-Roche.

Au rez-de-chaussée, en cette après-midi, huit jours après les scènes que nous avons fait revivre, Bertrande s’occupait des soins du ménage. À l’étage supérieur, dans la chambre de Marie, Renaud est là, comme tous les jours.

Les deux fiancés, assis, se tenaient par la main. La sérénité des traits de Marie reposait sur le frénétique effort d’une volonté tendue à se briser. Tandis qu’elle souriait, d’effroyables tumultes se déchaînaient dans son esprit.

– Voici la catastrophe ! Rien ne peut l’empêcher ! Rien !

– Marie, continuait Renaud, voici écoulés les huit jours d’attente que tu m’as demandés. Notre mariage au lendemain du malheur eût été accompli sous de tristes auspices. Ces huit jours ont remis un peu de calme dans mon cœur… le souvenir s’estompe… l’épouvantable vision s’efface…

– Cher bien-aimé, dit Marie, attendons encore un peu. N’es-tu pas sûr de mon amour ? Et tiens, sais-tu à quoi j’ai pensé ?… Nous partirions tous deux, nous irions à Montpellier, et là, sous le regard et la bénédiction de ton vénérable père, notre union s’accomplirait…

Renaud secoua la tête.

– La catastrophe ! songea Marie. Rien ne l’empêchera !…

– Tu oublies ce que j’ai pu oublier pendant ces huit jours ; il faut que la fille de Croixmart expie son double crime… le crime d’avoir envoyé ma mère au bûcher… et le crime d’être fille d’un tel père. Ma mère a maudit cet homme jusque dans sa postérité. Je dois réaliser la malédiction.

– Comme tu la hais ! murmura Marie.

Un flamboyant éclair avait jailli des yeux noirs de Renaud.

– Quant à mon père, reprit-il, tu as raison de m’en parler. Il attend le philtre que je dois lui apporter…

– Le philtre ? interrogea Marie en tressaillant.

– Un philtre, que pour lui, j’ai été chercher à Leipzig, et que lui a fabriqué un mage. Un philtre qui peut prolonger sa vie, ou tout au moins lui rendre la force nécessaire à ses travaux… Je vois que cela t’étonne. Bientôt tu sauras la vérité sur mon père, sur ma mère et sur moi.

– Oh ! fit Marie avec curiosité, quand sera-ce ?…

– Quand tu seras ma femme…

– Oh ! râla Marie. Rien n’empêchera la catastrophe !

– Et ce sera demain ! acheva Renaud. Le prêtre est prévenu. Deux de mes amis, Roncherolles et Saint-André, seront témoins. Ah ! je ne veux pas courir à Montpellier avant de t’avoir donné mon nom… et surtout, avant d’avoir échangé avec toi le baiser suprême qui te fera mienne pour toujours…

– Voici la catastrophe sur moi ! hurla l’âme de Marie. Oh ! cette pensée !… Seigneur tout-puissant, c’est vous qui me l’envoyez ! Je serai sa femme avant le mariage, et le mariage sera inutile !… INUTILE, PUISQUE JE SERAI SIENNE SANS MARIAGE !…

D’un coup d’ailes, cet ange de pureté s’éleva aux régions d’éternelle vérité où il n’y a plus ni pureté ni impureté. Renaud s’était levé, en disant :

– Roncherolles et Saint-André m’attendent. À demain…

– Reste, balbutia Marie, ne t’en va pas encore…

– Que je reste ? bégaya Renaud enivré, ébloui.

– Oh ! tu ne vois donc pas que je me meurs d’amour !…

– Que je reste ? répéta le jeune homme, qui frémit et sentit ses veines charrier des torrents d’amour.

Elle ne répondit plus. Ses bras se nouèrent sur lui. Ses yeux se fermèrent. Ses lèvres cherchèrent les lèvres de Renaud… Marie s’évanouit à demi. Et lorsqu’elle se réveilla, l’holocauste était accompli, Marie était la femme de Renaud.

– Maintenant, se dit-elle lorsque chancelante, éperdue, elle se vit seule, oh ! maintenant, le mariage est inutile.

À ce moment, Renaud qui, le paradis au cœur, courait rejoindre ses deux amis, Renaud se répétait ardemment :

– Maintenant, oh ! maintenant plus que jamais, il faut que le mariage s’accomplisse dès demain, ou je serais infâme.

Il était environ 9 heures du soir lorsque Renaud atteignit son logis, où Saint-André et Roncherolles l’attendaient.

– Chers bons amis ! s’écria Renaud. Toujours fidèles…

– Nous eussions attendu jusqu’à demain… sans reproche.

– Oh ! pardon, pardon, mes braves amis !… Si vous saviez… Mais convenons de la grande journée de demain.

– Nous ne sommes pas les seuls à t’avoir attendu, dit Roncherolles. Il y a ici, dans la cuisine, un homme qui se restaure et t’attend depuis 2 heures de l’après-midi.

– Un homme ? fit Renaud avec une vague inquiétude.

– Un courrier de Montpellier, dit Saint-André attentif.

Renaud deux secondes après, disait au courrier :

– Vous arrivez de Montpellier ?

– En onze jours, seigneur. J’ai fait environ dix-huit lieues par jour et me voici à Paris depuis midi.

Renaud tendit au courrier une bourse pleine d’or.

– Où prend-il cet or ? murmura Roncherolles.

Le courrier remit à Renaud une lettre dont le jeune homme rompit le cachet d’un geste violent… La lettre contenait ces mots :

« Si dans les vingt jours je n’ai pas le philtre que le savant Exaël t’a sûrement remis pour moi, dans vingt jours je serai mort. Hâte-toi, mon fils. Au cas où tu arriverais trop tard, tu ouvriras ma tombe et tu liras le parchemin que tu trouveras dans le vêtement avec lequel je serai enterré. Je t’embrasse, mon enfant chéri. Console ta mère et dis-lui que je vous attends tous deux au séjour des esprits astraux. N. »

Lorsque Renaud releva la tête, il était blême. Il marcha à un flambeau et y brûla la lettre de son père. Puis, au courrier :

– Tu connais la personne qui t’a envoyé ?

– Non. Mais j’ai promis d’arriver ici en douze jours. J’ai tenu parole, puisque je suis venu en onze.

– Je dois, moi, mettre neuf jours. Est-ce possible ?

– Oui, en crevant une demi-douzaine de bons chevaux.

– J’en crèverai dix, et je ferai la route en huit jours.

Le courrier salua jusqu’à terre et se retira.

– Mauvaises nouvelles ? demanda Roncherolles.

– Oui ! gronda Renaud, les lèvres serrées.

– Pauvre ami ! dit Saint-André. Le malheur est donc sur toi ? Car, depuis huit jours, tu as dû être frappé par un terrible malheur. Tout le crie…

– Oui, fit Roncherolles, et cela date, tiens… cela date du jour où en place de Grève… l’on a brûlé cette sorcière…

Renaud baissa la tête. Sa poitrine se gonfla.

– Cette sorcière… murmura-t-il, c’était ma mère !…

– Ta mère ! rugit Roncherolles avec un accent indescriptible que Renaud prit pour un cri de pitié.

– Oui… ma mère ! fit le jeune homme qui, tout sanglotant, se laissa aller dans les bras du baron de Roncherolles.

Les yeux flamboyants, Roncherolles étreignit Renaud :

– Je le tiens ! Il est perdu ! gronda-t-il en lui-même. C’était sa mère ! Fils de la sorcière, essaie un peu d’épouser la fille de Croixmart !…

Renaud dompta cette émotion avec la rapidité qu’il semblait tenir d’une mystérieuse puissance sur lui-même.

– Mes amis, dit-il alors, il faut que cette nuit je parte de Paris. Roncherolles, tu me procureras un bon cheval.

– Tu auras un cheval capable de faire vingt lieues par jour.

– Saint-André, tu m’auras un laissez-passer à la porte d’Enfer{3}.

– C’est facile, dit Saint-André.

– Il me faudra cela pour une heure de la nuit.

– Mais ton mariage ? Tu le remets donc à ton retour ?

– Non, prononça Renaud. Vous connaîtrez ma fiancée cette nuit, au lieu de demain. Il y aura une messe à Saint-Germain-l’Auxerrois une heure après minuit. Ce sera la messe de mon mariage.

– À minuit et demi, dit Saint-André. On y sera !

– On y sera dès minuit, ajouta Roncherolles.

– Oui, fit Renaud. Cela vaudra mieux. Minuit.

Les trois jeunes gens se séparèrent. Renaud pour courir chez le prêtre, Roncherolles et Saint-André de leur côté.

Il était à ce moment près de 10 heures.

– Entrons là ! dit Roncherolles d’une voix rauque de joie.

Il désignait un cabaret encore ouvert malgré le couvre-feu – Une de ces tavernes bien cotées, fréquentées par les gens de cour. Pourtant il n’y avait plus personne dans la salle commune, et on allait fermer. Un garçon s’approcha.

– Une bouteille de vin d’Espagne, dit Roncherolles. Des plumes. De l’encre. Une feuille. De la cire.

Les deux acolytes se regardèrent. Ils étaient livides.

– Enfin ! soupira Saint-André.

– Oui, n’est-ce pas ? Il est perdu, cette fois. Ce que nous cherchions depuis huit jours, il nous l’offre lui-même !…

– Oui. Et le Dauphin n’aura pas à se plaindre, cette nuit.

– Pour cela il ne faut pas que le mariage se fasse.

– Qu’importe ! gronda Saint-André. L’époux s’en va !

– Ce serait vrai avec tout autre que Marie de Croixmart. Cette fille succombera peut-être, si elle est encore fille. Mariée, le serment de fidélité juré, il faudra la tuer.

Le garçon déposait sur la table les objets demandés.

– Diable ! Comment faire, alors ? reprit Saint-André. Il n’y a aucun moyen d’empêcher ce mariage, à moins d’en revenir à ma première idée, et de poignarder l’homme.

– Il y a un moyen, gronda Roncherolles. Un coup de poignard, on en meurt ou on en guérit. Mais le coup que je vais porter, moi, il n’en guérira jamais, entends-tu, jamais !…

– Sur ma foi, tu me fais peur !…

– C’est pourtant bien simple. Tiens, regarde.

Et Roncherolles se mit à écrire, puis il passa la feuille à Saint-André, qui la lut, étouffa un cri et gronda :

– Oh ! ceci, mon maître, est une merveille !

Voici ce que venait d’écrire Roncherolles :

« Monsieur Renaud,

« La fille que vous allez épouser s’appelle MARIE DE CROIXMART. »

– Gervais ! appela Roncherolles.

Le garçon accourut.

– Gervais, veux-tu gagner dix écus d’or à la salamandre ?

– Je suis prêt à me jeter au feu pour les prendre !

– Bon ! fit Roncherolles. Prends cette dépêche. Trouve-toi à la demie de minuit devant Saint-Germain-l’Auxerrois. Tu la remettras à un jeune homme causant avec moi sous le porche. C’est tout. Tu auras tes dix écus. Le jeune homme s’appelle M. Renaud. Je t’éventre si tu oublies !

IV – LA LETTRE

Quelques minutes avant minuit, Roncherolles et Saint-André s’arrêtent devant le porche de l’église. Soudain, au-dessus de leurs têtes, le bronze s’est mis à mugir douze coups sonores. À ce moment, Renaud s’avance, soutenant Marie dont il entoure la taille.

Ce n’est pas le mariage qu’elle a rendu inutile ; c’est l’holocauste d’amour qui est inutile ! Elle est venue !… En vain, elle s’est débattue contre la ferme volonté de Renaud. En vain elle a essayé de le pousser à partir sur l’heure. Tout à coup, elle a cessé de résister, avec l’intuition qu’un mot de plus allait faire naître des soupçons chez son fiancé !…

Et elle est venue, marchant au mariage comme marchent à l’enfer les damnés…

Renaud a aperçu Saint-André et Roncherolles et a eu un cri de joie reconnaissante. Puis leur serrant les mains :

– Le laissez-passer ?…

– Le voici, dit Saint-André en présentant un papier plié.

– Le cheval, ajouta-t-il.

– Attaché aux grilles du porche de l’église.

– Bien. Entrons.

– Il est trop tôt, la messe est pour une heure…

– La messe est pour minuit, dit simplement Renaud. J’ai obtenu cela, je gagne ainsi une heure.

Saint-André et Roncherolles demeurent foudroyés.

– Mes chers bons amis, reprend Renaud, mes frères, voici Marie, celle qui va être ma femme. Marie, ces deux-ci sont ce que j’ai de plus cher au monde après mon père et toi, le comte Jacques d’Albon de Saint-André, le baron Gaëtan de Roncherolles…

Ils murmurent quelques paroles confuses. Quant à Marie, pas un souffle. Défaillante, elle s’avance dans l’église, où elle voit éclater en lettres de feu le mot qui résonne dans sa tête :

– SACRILÈGE !…

La scène est maintenant dans l’église Saint-Germain-l’Auxerrois. Quatre cierges éclairent un vieux prêtre qui, avec des gestes lents, officie devant Renaud et Marie agenouillés. Un peu en arrière, à demi perdus dans l’ombre, Saint-André et Roncherolles, blafards, couvent de leur regard ces deux êtres si jeunes, si beaux…

Puis le vieillard présente les deux anneaux aux époux. Et tandis que s’échangent les deux signes d’union, le prêtre prononce les verbes qui cimentent à jamais l’alliance des deux âmes. Et enfin un registre est ouvert sur l’autel, entre le tabernacle et l’Évangile. Renaud signe :

– Renaud-Michel de Notredame.

Sans aucun doute, ce nom comportait une signification redoutable. Sans doute aussi, le vieux prêtre, ami de Renaud, avait reçu ses instructions. Car, faisant le geste de montrer la place des signatures de Marie et des deux témoins, il cacha sous sa main le nom qui venait d’être apposé sur la page.

– Mettez là votre nom, ma chère enfant, dit le vieillard.

Marie sans s’arrêter, tout d’un trait écrivit :

« Marie, orpheline qui ne se connaît pas d’autre nom… »

Puis elle tomba, défaillante, dans les bras de Renaud, tandis que Roncherolles et Saint-André, puis le prêtre signaient.

– Ma femme ! murmura Renaud à l’oreille de Marie.

Une longue vibration de bronze tomba dans le silence. La tête de l’épouse s’emplit de ce bruit qui lui parut formidable. Il lui semblait que des démons hurlaient :

– Sacrilège ! Sacrilège !

– Seigneur ! Damnez-moi ! Mais qu’il soit sauvé ! Oh ! que jamais il ne sache le nom maudit de sa femme !…

Ce bruit, c’était la demie après minuit qui sonnait… Renaud, Marie, Saint-André, Roncherolles sortirent…

– Roncherolles, dit Renaud, prends le cheval en bride. Mes chers amis, suivez-moi jusqu’au logis de ma femme.

– Holà ! Qui vient là ?… fit tout à coup Saint-André.

– Lequel de vous se nomme Renaud ? demanda une voix.

C’était Gervais !… La lettre écrite par Roncherolles !…

– C’est moi, dit Renaud, que me voulez-vous ?…

– Vous remettre ceci, que vous devez lire à l’instant.

Gervais tendit la lettre et disparut comme une ombre. Renaud tenait la lettre à la main. Roncherolles et Saint-André le fixaient, de leurs yeux qui luisaient. Marie tremblait, le cœur serré d’angoisse…

– Il faut que je la lise à l’instant !… prononça Renaud !… Que contient-elle ?… Oh ! le savoir tout de suite !… La lire !… Dans les ténèbres !… Oh !… Il faut que je sache !…

Il saisit les mains glacées de sa femme et demeura immobile, silencieux, haletant sous quelque prodigieux effort.

Et si les ténèbres n’eussent pas été absolues, on eût pu voir les yeux de Marie se révulser, son corps se roidir, et enfin un sourire détendre ses lèvres… Alors, dans ces ténèbres, on entendit la voix de Renaud qui disait :

– Marie, ma chère Marie, m’entends-tu ?

– Oui, répondit la jeune femme d’une voix comme voilée.

– Prends cette lettre, Marie adorée, et lis-la moi !…

Roncherolles et Saint-André reculèrent avec stupeur.

– J’essaie, répondit Marie d’une voix de surhumaine tendresse. Oui, tiens, je crois que j’y arrive… Voici un mot, deux mots… Ah ! il y a : Monsieur Renaud…

Marie s’arrêta un instant. Roncherolles et Saint-André grelottaient de terreur. Dans les profondes ténèbres, Marie lisait la lettre ! Marie lisait ce papier, sans même briser le cachet !…

– Très bien, mon adorée, prononça Renaud. Mais il faut continuer… Qu’y a-t-il après Monsieur Renaud ?…

Roncherolles et Saint-André reculèrent encore, hagards, les cheveux hérissés. Il y eut une minute de silence effrayant… Et alors la voix de Marie s’éleva de nouveau, mais hésitante.

– Attends… Oh ! fit-elle avec curiosité, il s’agit de moi… il y a… la fille… que… vous… allez… épouser…

Roncherolles claquait des dents. Saint-André, avait tiré de son sein un scapulaire et l’étreignait en priant. Tout à coup, un cri terrible, une clameur atroce…

– Non ! hurlait Marie. JE NE LIRAI PAS CELA !…

Renaud vacilla. Ses lèvres blêmirent. Il gronda :

– Eh bien, Marie ? Il faut lire la suite !… Lis !…

Elle se tordit les bras. Sa taille parut s’arquer.

– Seigneur ! Il faut que ce soit MOI qui lise CELA !… Seigneur, prenez-moi ! Seigneur, tuez-moi !…

– Marie ! rugit Renaud, il faut lire !…

– Non ! Non ! Grâce ! Pitié, Renaud ! Tue-moi ! Mais ne me force pas à lire cela… Lire CELA !… MOI !… MOI !…

Alors, à gestes furieux, tout à coup, elle tordit le papier dans ses doigts crispés, le lacéra, roula les morceaux en boule, et cette boule, elle la jeta… La boule de papier alla tomber dans le ruisseau qui l’emporta… Renaud n’avait pas fait un geste.

– Maintenant, je ne puis lire, dit Marie avec une joie affreuse. Aussi, c’était trop horrible, de me faire lire cela… à moi !…

Renaud saisit les deux mains de la jeune femme…

– Marie, dit Renaud, cherchez le papier… vous le voyez ?…

– Oui… oui… le ruisseau l’entraîne… Il va rouler jusqu’à la Seine… Ah !… Dieu soit loué !… Il tombe dans la Seine !…

– Suivez-le, Marie, suivez-le ! Ne le perdez pas de vue !

– Je le vois, je le vois !…

– Eh bien, lisez !…

Roncherolles et Saint-André râlaient d’épouvante.

– Lisez ! répéta Renaud.

– Non ! non !… Pas moi !… Renaud, pitié pour ta femme !

– Lisez !…

Alors, vaincue, d’une voix de détresse effroyable :

– Monsieur Renaud… la fille… que vous allez… épouser… s’appelle… Marie… de…

Un râle, un sanglot de tristesse ineffable :

– S’appelle… Marie… Marie de Croixmart…

Marie s’était affaissée sur les genoux. Elle avait entouré de ses deux bras les genoux de Renaud, y avait appuyé sa tête, et, ainsi, elle pleurait… Renaud était immobile, comme foudroyé… Seulement, il dressa au ciel ses bras et crispa les poings…

Et ce groupe dégageait une si formidable douleur que Roncherolles et Saint-André eurent l’intuition qu’ils avaient été au delà des bornes imposées à la haine elle-même.

– Ô ma mère ! prononça enfin Renaud. Ô ton pauvre corps que j’ai vu se tordre dans les flammes !… l’abominable souffrance que j’ai lue sur ton pauvre visage !… Voici, là, à mes pieds, la dénonciatrice !… La fille de Croixmart !…

Renaud abaissa ses poings comme s’il allait écraser la pauvre fille prosternée… Mais il ne toucha pas Marie :

– Non, n’est-ce pas, mère martyre ? Tu ne veux pas que je la tue ?… Ce serait trop simple, n’est-ce pas ? Que serait ce châtiment d’une seconde auprès de ce que tu as souffert… auprès de ce que je souffre, moi !… Que m’ordonnes-tu, mère ?…

– Oh ! bégaya Saint-André, il parle de la sorcière morte !… Oh ! si nous allions la voir apparaître, nous désigner !…

Renaud poursuivait de sa voix morne :

– Et pourtant, tu le sais, il faut que je parte tout de suite !… Dois-je donc la laisser impunie ?… Oh ! je t’entends… Je dois partir ! Je dois laisser en suspens jusqu’à mon retour le choix du châtiment ! Je dois lui ordonner d’oublier ! Je dois oublier moi-même ! Et, dans vingt jours, reprendre le jugement au point précis, à la parole même où je le laisse cette nuit !…

Renaud, brusquement, saisit les mains de Marie, et prononça :

– Oubliez !… Tout. La lettre. Est-ce effacé ?…

– Oui, mon bien-aimé !…

– Mon bien-aimé !

Un long sanglot pareil à un cri de bête fusa de ses lèvres tuméfiées. Il râla des lambeaux de paroles indistinctes. Tout à coup, Renaud parut se calmer. Il se baissa, saisit Marie dans ses bras.

– Venez, dit-il aux deux témoins de cette scène effroyable.

Il se mit en marche. Depuis l’église jusqu’à la maison de la rue de la Tisseranderie, il ne faiblit pas.

Marie dormait, la tête sur son épaule, d’un sommeil paisible, un bras gracieusement jeté autour du cou de son mari.

– Jésus ! cria dame Bertrande tremblante, en voyant Renaud, vous êtes pareil à un spectre, seigneur Renaud !…

Le jeune homme passa sans répondre. Il monta et déposa Marie sur son lit. Derrière lui, les deux amis étaient montés… En bas, dame Bertrande priait…

– Écoutez-moi, dit Renaud d’une voix rude. Je vais partir. Il me faut huit jours pour aller, huit pour revenir, deux pour rester là-bas, deux pour l’imprévu. Vingt jours. Dans vingt jours, je serai de retour. Jurez-moi de veiller sur elle.

– Je le jure ! grondèrent les deux hommes.

– Je vous la confie. Jurez-moi que dans vingt jours, je la retrouverai ici. Et vous aurez droit de vie et de mort sur moi !…

– Nous le jurons ! dirent-ils ensemble.

– Cette fille va demeurer endormie pendant deux heures. Vous ne lui direz rien de ce qui vient de se passer, mais seulement que dans vingt jours, je serai près d’elle.

Il se tourna vers Marie… Ses lèvres se crispèrent comme si les sanglots allaient être plus forts que sa volonté. Mais il se dompta, se pencha sur la jeune femme endormie, et, d’une voix qui semblait calme :

– Marie, m’entendez-vous ?…

– Oui, mon bien-aimé, je t’entends.

– Avez-vous oublié ?

– Tout ! Tout ! Puisque tu me l’as commandé.

– Bien. Rappelez-vous seulement ceci : c’est que dans vingt jours, heure pour heure, je serai de retour.

Brusquement, Renaud se retourna vers ses amis avec des traits bouleversés.

– Adieu, dit-il. J’emporte votre serment.

Il descendit l’escalier d’un pas égal. Quelques instants plus tard, les deux damnés, haletants, entendirent le galop du cheval qui partait… Lorsqu’ils furent certains qu’il était bien loin ; ils respirèrent longuement et Roncherolles gronda :

– Cours au Louvre !… Moi, je reste ici pour veiller sur elle… selon notre serment !…

Saint-André s’élança. Marie dormait d’un sommeil d’ange…