Plâtres

 

pour Alain, Patrick et Jean-Jacques

 

sur la ville où vivait sa famille

Jaroslav Seifert se plaint

des fumées de la fabrique de pot au feu

on ignore si la pluie

dessinait des yeux de bouillon dans les caniveaux

mon ami habitait près d’une carrière de gypse

et l’usine de plâtre offrait en toute saison

des impressions de neige

au gré des défaillances techniques

haussements d’épaule

cela n’amusait plus personne

à l’ombre du château d’eau

les trois frères rendaient le pavillon étroit

par l’incessant va et vient des amis ou amantes

les parents se concentraient de leurs problèmes

le père bricolait sa voiture

à l’heure des informations télévisées

la mère partait travailler à l’hôpital

le chien jouait sans complexe avec tout le monde

j’écoutais la musique

et tous alors nous étions jeunes

quand Patrick et Alain sont devenus marins

l’avenir a pris des couleurs exotiques d’Inde et d’Indonésie

des fumées de paradis artificiels

des poudres blanches qui venaient de plus loin que l’usine

et ne menaient nulle part

ceux qui s’éloignent dans la mémoire

peu à peu se ressemblent

petits points dont les couleurs se mêlent

de poussière blanche

je n’écris aujourd’hui que d’une main

mon bras gauche est figé dans son plâtre

et dans la bouche il reste un goût amer