Je viens de voir un soleil rouge se coucher sur les silhouettes de la Défense ; le train RER somnole dans sa lumière électrique blême.
Un jeune homme s’assied sur le siège face à moi.
Pendant qu’il me parle avec vigueur, j’ai tout loisir d’examiner sa chemise hawaïenne sur sa peau noire : un décor de palmiers et grosses automobiles de toutes couleurs.
Il clame sa fierté de n’être qu’un voleur.
Il sort de prison et donc il a payé sa dette.
S’il regrette un peu la peine que cela cause à sa mère, cela ne l’incite guère à changer de vie. Il préfère des mesures pour que sa mère n’en puisse rien savoir.
Il oppose sa personne aux violeurs de petites filles innocentes : ceux-ci ne méritent que la mort ; il regrette que la prison protège ces monstres.
Lui-même se pose en justicier expéditif et frustré qu’on empêche d’agir.
Il parle avec hésitation en balançant son demi-litre de bière aluminium ; mais précipite ses paroles si j’esquisse la moindre tentative de lui répondre.
Il remercie finalement d’avoir été écouté ; il s’éloigne dans le wagon et je le perds de vue.
Avec un autre voyageur du wagon presque vide, nous nous regardons en partageant notre impuissance.
Je me sens bien insignifiant de vivre ainsi sans tuer ni voler.