VII

Le vent entra d’abord, aboyant de ses cent voix comme une meute et puis, derrière, vint un homme. Il repoussa la porte et se tint immobile sur le seuil. On ne voyait point sa figure, cachée sous les larges bords de son chapeau de feutre mou qu’il avait enfoncé jusqu’aux oreilles. Un manteau le recouvrait entièrement du col aux pieds. Pas plus que nous, il ne se décidait à parler. Mais il se résolut enfin à ôter son chapeau et nous vîmes une rude figure de montagnard, indifférente et flegmatique.

– C’est toi qui as frappé comme ça, Guillaume ? demanda le gentilhomme qui essayait vivement de se remettre de son émoi.

– Mais oui, mon maître.

– Je ne t’attendais plus ce soir… Les verrous n’étaient donc pas mis !… Pousse les verrous… Tu as vu le notaire ?

– Oui, et je ne voulais pas conserver une pareille somme sur moi.

Nous comprîmes que Guillaume était l’intendant du gentilhomme. Il s’avança jusqu’à la table, sortit un petit sac de dessous son manteau, se mit à en extraire des papiers qu’il jeta sur la table et regarda son maître.

– Eh bien, qu’est-ce que tu attends ! demanda celui-ci.

Le nouveau venu nous montra.

– Ces messieurs !…

Ce sont des amis à moi.

L’homme fit paraître quelque étonnement. Il ne savait évidemment point que son maître pouvait avoir des amis. Tout de même il sortit encore une enveloppe de son sac, la vida sur la table. Elle contenait des billets de banque. Il compta douze billets de mille francs.

– Voilà le prix du Bois de Misère, fit-il.

– C’est bien, Guillaume, dit notre hôte en prenant les billets de banque et en les remettant dans l’enveloppe. Tu dois avoir faim : tu coucheras ici ce soir ?…

– Non, impossible… il faut que j’aille chez le fermier… Nous avons à faire demain à la première heure… Mais je vais manger un morceau.

– Va trouver la mère Appenzel, mon garçon ; elle te soignera.

Et, comme l’intendant se dirigeait déjà vers la cuisine :

– Remporte toutes tes paperasses…

– Au fait ! dit l’homme.

Et il ramassa les papiers, pendant que le gentilhomme sortait un portefeuille de la poche de son habit, y plaçait l’enveloppe contenant les douze billets de mille francs et remettait le portefeuille dans sa poche. Sitôt que l’intendant eut disparu par la porte de l’office, Makoko, que l’intermède prosaïque de cette vulgaire affaire d’argent, n’avait pu détourner de l’histoire de notre hôte, Makoko, impatient et inquiet, demanda :

– Et alors ?…

– Alors ?… reprit l’hôte, les sourcils rapprochés subitement.

– Oui, alors… l’armoire ?…

– L’armoire ?…

– Oui, qu’est-ce qu’il y avait dans l’armoire ?…

– Qu’est-ce qu’il y avait dans l’armoire ?… Vous voulez savoir ce qu’il y avait dans l’armoire ?… Eh bien, je vais vous le dire, messieurs, je vais vous le dire, ce qu’il y avait dans l’armoire. Il y avait quelque chose !… quelque chose que j’ai vu, des yeux que voilà… quelque chose qui m’a brûlé les yeux… il y avait, messieurs, des lettres de feu, au fond de l’armoire… des lettres qui m’annonçaient une nouvelle !… Une grande nouvelle !… en deux mots : TU GAGNERAS !