CHAPITRE XIII
L’ALMANACH PROVENÇAL
Le bon pèlerin. – Jarjaye au paradis. – La Grenouille de Narbonne. – La Montelaise. – L’homme populaire.
L’Almanach Provençal, bien venu des paysans, goûté par les patriotes, estimé par les lettrés, recherché par les artistes, gagna rapidement la faveur du public ; et son tirage, qui fut, la première année, de cinq cents exemplaires, monta vite à douze cents, à trois mille, à cinq mille, à sept mille, à dix mille, qui est le chiffre moyen depuis quinze ou vingt ans.
Comme il s’agit d’une œuvre de famille et de veillée, ce chiffre représente, je ne crois guère me tromper, cinquante mille lecteurs. Impossible de dire le soin, le zèle, l’amour-propre que Roumanille et moi avions mis sans relâche à ce cher petit livre, pendant les quarante premières années. Et sans parler ici des innombrables poésies qui s’y sont publiées, sans parler de ses Chroniques, où est contenue, peut-on dire, l’histoire du Félibrige, la quantité de contes, de légendes, de sornettes, de facéties et de gaudrioles, tous recueillis dans le terroir, qui s’y sont ramassés, font de cette entreprise une collection unique. Toute la tradition, toute la raillerie, tout l’esprit de notre race se trouvent serrés là dedans ; et si le peuple provençal, un jour, pouvait disparaître, sa façon d’être et de penser se retrouverait telle quelle dans l’almanach des félibres.
Roumanille a publié, dans un volume à part (Li Conte Prouvençau et li Cascareleto), la fleur des contes et gais devis qu’il égrena à profusion dans notre almanach populaire.
Nous aurions pu en faire autant ; mais nous nous contenterons de donner, en spécimen de notre prose d’almanach, quelques-uns des morceaux qui eurent le plus de succès et qui ont été, du reste, traduits et répandus par Alphonse Daudet, Paul Arène, E. Blavet, et autres bons amis.