Le récit, paru pour la première fois dans le Bulletin de la Société anglo-indienne, sous le titre : Le Prisonnier de la Planète Mars, a été entièrement rédigé par les soins du major Carl Bell, ami et collaborateur de Ralph Pitcher, d'après les notes de ce dernier, qui n'avait fait que coordonner les messages interastraux, souvent trop concis, tronqués ou brusquement interrompus, seule raison qui ait empêché leur publication intégrale.
Nous ne reviendrons pas sur la profonde sensation produite dans les deux mondes par Le Prisonnier de la Planète Mars, à tel point que beaucoup de personnes n'ont vu dans ce volume qu'une œuvre de pure imagination.
Les lecteurs français remarqueront que, le drame se déroulant à la fois sur la planète Mars et sur la Terre, le lieu de la scène se trouve parfois brusquement déplacé, en même temps que le lecteur est forcé à certains retours en arrière.
Quoi qu'il en soit de ces imperfections qui n'ont pas choqué les lecteurs anglais et américains, nous sommes certains que Le Prisonnier de la Planète Mars obtiendra près du public français un succès d'intérêt et de curiosité d'autant plus vif que, malgré les efforts des savants des deux mondes, le sort du vaillant ingénieur Robert Darvel demeure encore incertain.
Les signaux ont subi une brusque interruption, et ce n'est qu'après trois mois d'attente inutile, lorsqu'il est devenu malheureusement certain que l'ingénieur Darvel avait perdu les moyens de communiquer avec la Terre, soit qu'il fût mort, soit pour toute autre raison, que miss Alberte Téramond a enfin consenti à la publication des messages interastraux complétés, et quelquefois interprétés par le savant naturaliste Ralph Pitcher.
Cette catastrophe est d'autant plus regrettable qu'elle laisse le monde savant dans l'incertitude sur le sort de l'explorateur.
S'est-il lassé d'adresser des messages auxquels personne ne répondait ?
Est-il privé de l'énergie électrique nécessaire pour produire des raies lumineuses sur l'étendue de plusieurs dizaines de lieues, ce qui serait presque impraticable – quoique non impossible pour l'industrie terrestre. Est-il mort ou prisonnier ? Autant de questions, probablement à jamais insolubles.
La partie la plus intéressante de son voyage d'exploration des tropiques martiens, le récit de ses luttes et de son probable triomphe sur les Erloor ne nous sont pas parvenus.
Enfin, il y aurait eu de considérables avantages pour la science à connaître le moyen même dont il s'est servi pour des signaux lumineux.
On peut conjecturer qu'après avoir été prisonnier des vampires il est arrivé à comprendre leur langage, à leur imposer ses idées et peut-être à les dominer.
Peut-être lui ont-ils communiqué les secrets de quelque ancienne civilisation martienne, pourvue d'une science, sinon supérieure, du moins différente de la nôtre.
La création de bandes éclairantes d'une intensité aussi soutenue et d'un pouvoir lumineux aussi considérable suppose une connaissance approfondie des forces naturelles.
Pour ce qui est de miss Alberte, au sujet de laquelle le lecteur doit comprendre que nous sommes tenus à une extrême discrétion, nous ne pouvons communiquer aucun renseignement nouveau.
La jeune milliardaire s'est renfermée dans une retraite absolue.
Si l'on en croyait les reportages plus ou moins fantaisistes de certains grands journaux anglais et français, miss Alberte préparait, dans le plus grand mystère, une grandiose entreprise, avec la dévouée collaboration de l'honorable Ralph Pitcher, du capitaine Wad, qui vient tout récemment de donner sa démission, et de l'ingénieur Bolenski.
L'hostilité qu'ont manifestée les savants officiels pour les communications interplanétaires et les catastrophes tragiques ou mystérieuses qui ont suivi toutes les tentatives de ce genre ne nous permettent d'accueillir cette opinion qu'avec une grande réserve.