VI – L'EXPÉRIENCE DU CAPITAINE WAD
Les journaux avaient signalé le passage du yacht le Conqueror d'abord aux îles Canaries le monde inquiet des spéculateurs s'était rassuré.
– C'est cela, disait-on, voilà bien ce que nous avions prévu, cette petite sotte va passer l'hiver dans ces îles fortunées qui sont le Nice des gens véritablement riches : décidément, elle ne ressemble pas à son père.
Mais l'opinion publique se modifia du tout au tout quand on apprit que le Conqueror n'avait séjourné à Las Palmas que le temps nécessaire pour y renouveler ses approvisionnements de charbon.
La question était posée de nouveau, comme au début de la croisière ; les registres des cercles financiers enregistraient des paris considérables.
Les gens pratiques triomphèrent bruyamment lorsqu'un câblogramme de Capetown annonça que le Conqueror avait jeté l'ancre dans la baie de Table.
– Parbleu, s'exclama tout d'une voix le clan des gens sérieux, nous le savions bien, nous en étions sûrs, c'est une véritable business girl : elle est allée visiter ses claims… Pour un début, le geste est beau !
Mais les gens d'affaires éprouvèrent un affront sanglant et reçurent un véritable soufflet, en apprenant que le Conqueror, après le temps strictement nécessaire pour renouveler son combustible, avait repris la mer pour une destination inconnue.
Les fantaisistes et les imaginatifs, qui avaient parié que miss Alberte faisait le tour du monde, virent leurs actions en hausse d'une façon très sérieuse. Ils étaient tombés au-dessous de tout ; on les cota à quinze contre un.
Cette fois, c'était une quasi-certitude : miss Alberte ferait escale en Australie, remonterait sans doute à travers le cortège fleuri des îles océaniennes, jaillies comme de frais bouquets au-dessus de leur ceinture de coraux blancs ; la fille du banquier baissa dans l'opinion, elle sacrifiait à la puérile fantaisie de faire le tour du monde dans un yacht à elle, on ne pouvait plus la regarder comme une personne pratique.
L'opinion subit un troisième revirement, quand on apprit que le yacht avait laissé ses passagers à Karikal, en terre française ; de là, miss Alberte et l'escorte qu'elle avait royalement organisée s'étaient dirigées vers les montagnes des Ghattes.
Cette fois, ce fut au clan des spéculateurs de triompher de nouveau, le but de ce voyage mystérieux ne faisait de doute pour personne, chacun s'expliquait maintenant la présence du naturaliste Pitcher dans l'expédition.
Tout s'expliquait : on savait que Ralph était aussi compétent en géologie qu'en zoologie, on avait parlé de ses voyages dans la jungle quelques années auparavant ; des lors on ne douta plus que miss Alberte, guidée par Pitcher, ne fût sur la voie d'une mine de diamants, d'un gisement de radium ou de quelque autre minerai aussi rémunérateur.
– Voyez quelle décision ! répétaient les gens de bourse, quel flair ! Son père avait déniché l'ingénieur Darvel, elle a tout de suite mis la main sur le naturaliste Pitcher !
« Elle va doubler les formidables capitaux de la banque Téramond, elle est décidément extraordinaire.
Ainsi qu'il arrive souvent, les enthousiastes, aussi bien que les détracteurs, étaient dans une erreur profonde ; comme le lecteur l'a sans doute deviné, miss Alberte et Pitcher allaient tout simplement poursuivre leur enquête sur la disparition inexplicable de Robert Darvel.
Tout le long de la traversée, ils avaient discuté, ils s'étaient raconté ce qu'ils savaient et leurs conclusions avaient été que Robert devait être encore vivant ; on croit aisément ce que l'on espère.
Mais, en admettant qu'il fût mort, ce qu'ils se refusaient à croire, ils voulaient savoir comment et punir s'il y avait lieu les coupables.
Car, à moins qu'il n'eût été victime d'un guet-apens, il n'entrait pas dans leur esprit que Robert fût mort de sa mort naturelle.
– Voyons, miss, s'écriait Pitcher avec exaltation, je vous le demande un peu, est-il admissible un seul instant que Robert ait péri comme cela, d'une dysenterie, d'une attaque de fièvre ou d'une insolation, comme un vulgaire travailleur du Rand ? Comme un simple Chinois mal acclimaté ?
– Je ne l'ai pas cru un seul instant, répliquait la jeune fille, le front creusé par ce pli de rude entêtement qui, dans les moments de colère ou d'excitation, lui donnait avec son père une exacte ressemblance.
– Vous comprenez, miss, continuait Ralph, qu'un savant de la trempe de Robert ne disparaît pas ainsi.
« Physicien, chimiste, hygiéniste, physiologiste…
– Abrégez, interrompit miss Alberte avec impatience, vous useriez sans atteindre votre but toutes les terminaisons en iste des encyclopédies.
– Je voulais dire que Robert, en cas de maladie, était trop savant pour ne pas savoir comment se guérir, trop brave, trop robuste et trop intelligent pour ne pas se défendre contre ses ennemis.
« Il y a là-dessous autre chose, quelque chose que nous ne savons pas.
– Mais que nous saurons, monsieur Ralph !
Au moment où avait lieu cette conversation, miss Alberte et Pitcher se trouvaient dans le petit salon de la luxueuse automobile de campagne que la fille du banquier avait fait construire tout spécialement pour cette expédition.
C'était, en quelque sorte, une vaste roulotte montée sur boggies, munie d'un moteur de cinq cents chevaux et dont le prix de revient chez un grand constructeur londonien atteignait le chiffre de cinquante mille livres ; les trains de luxe de certains souverains amis du confortable peuvent en donner une idée au lecteur.
À ce moment, l'auto gravissait à petite allure un chemin bordé à droite et à gauche de palmiers, de lataniers et d'autres essences équatoriales.
Des bandes de petits singes roux jouaient dans les branches et quelques-uns, au grand étonnement de miss Alberte, s'aventuraient jusque sur les plates-formes du train automobile, d'où ils rebondissaient sur les basses branches avec l'élasticité d'une balle.
Mais bientôt la forêt fit place à de riches cultures de cotonniers, de tabacs, de pavots blancs que protégeaient de solides haies de raquettes épineuses.
Ralph eut un sourire de satisfaction.
– Je reconnais là, dit-il, le génie pratique de la colonisation ; nous ne devons pas être loin de la demeure du résident, le capitaine Wad.
« Mais tenez, nous y sommes.
Et il montrait, avec cette joie patriotique qui fait pour ainsi dire partie intégrante de l'âme anglaise, un mât de bambou au sommet duquel flottait le pavillon britannique.
Quelques minutes plus tard, l'auto de miss Alberte et celles qui lui faisaient escorte s'arrêtaient en face d'une délicieuse habitation, à la fois palais et cottage, à la porte de laquelle un highlander montait la garde d'un air nonchalant.
L'Inde est peut-être le seul pays du monde où une expérience séculaire ait organisé sérieusement la défense de l'homme contre la chaleur.
Ralph Pitcher et miss Alberte furent introduits dans une haute salle, où un ventilateur à air liquide répandait une fraîcheur délicieuse.
Ce n'est que dans notre vieille Europe que l'on continue à faire usage de ces machines à hélices qui remuent l'atmosphère viciée sans la renouveler et qui produisent de mortels courants d'air sans apporter la moindre fraîcheur.
Le ventilateur à air liquide qui fuse doucement par soixante orifices un air aseptique et glacial est surtout apprécié sous la zone équatoriale.
Ce perfectionnement rendait inutile les pankas qu'aujourd'hui encore chez les riches hindous un esclave tire perpétuellement avec deux cordes et qui agitent au plafond leurs doubles ailes, comme un gigantesque papillon.
Ralph et miss Alberte ne firent pas longtemps antichambre, le capitaine Wad lui-même ne tarda pas à paraître.
Ils s'étaient attendus à voir quelque fonctionnaire hébété par le climat, souffrant de cette maladie de foie qui atteint les Européens, et surtout les Anglais, obstinés à leur régime habituel d'alcool et de viandes saignantes.
Ils furent surpris de voir arriver, vêtu du pyjama flottant à rayures vertes et roses, un personnage affable, guilleret, et qui manifesta bruyamment sa joie de donner l'hospitalité à des compatriotes.
– Rien, dit-il, ne pouvait me faire plus de plaisir que votre venue.
« Je vous dirai que je vous attendais presque, à tel point que j'ai là tout près un mémoire détaillé sur le cas du brahme Ardavena ; il avait été écrit à votre intention.
« Quant à la lettre ridicule que vous avez reçue, elle émane d'un de ces Hindous qui, fiers de savoir un peu d'anglais et d'être au service du gouvernement de Sa Majesté britannique, manifestent en toutes occasions une incompétence notoire…
– Capitaine, interrompit brusquement miss Alberte, avant toutes choses, dites-moi, je vous en supplie, si M. Darvel est vivant.
L'officier fronça les sourcils, devenu grave.
– Miss, dit-il, je n'en sais pas là-dessus plus que vous, je ne puis rien affirmer.
« Le drame de Chelambrum m'a violemment passionné ; c'est un mystère que je n'ai pas fini d'éclaircir et où je me heurte à chaque pas à d'incroyables contradictions.
« Cependant, pour vous dire le fond de ma pensée, je ne crois pas à la mort de l'ingénieur Daniel, car mon enquête a établi que c'est bien lui qui a accepté la collaboration du brahme Ardavena pour des expériences psychodynamiques sur lesquelles je ne suis pas encore exactement fixé.
– Mais quelles sont les raisons qui vous portent à cette certitude ?
– Il y en a une capitale.
« Après la catastrophe, j'ai recueilli à peu près indemne le yoghi Phara-Chibh, celui-là même qui garde le secret de se faire enterrer vivant, de demeurer de longues semaines sous la terre pareil à un cadavre, sans qu'il paraisse résulter de cette épreuve rien de fâcheux pour sa santé.
– Mais où est cet homme ? demanda Ralph Pitcher impétueusement.
– Ici même, vous allez le voir.
« Phara-Chibh prétend être sûr que l'ingénieur est bien vivant.
L'officier mit un doigt sur ses lèvres.
– Mais je ne peux rien vous dire avant que vous ne l'ayez vu vous-mêmes, que vous vous soyez rendu compte de quels miracles est capable cet ascète déguenillé.
– Mais enfin, murmura miss Alberte avec insistance, que prétend-il ?
– Il vous le dira lui-même, répliqua l'officier.
Et il ajouta d'un ton qui coupait court à toute insistance :
– Nous le verrons après dîner ; pour l'instant, je veux être tout au plaisir de recevoir les hôtes que m'envoie la vieille Angleterre !
Il y avait dans les manières un peu raides du capitaine Wad un ton de réelle cordialité, puis il paraissait certain que Robert Darvel était vivant ; c'était plus que Ralph et miss Alberte n'eussent osé espérer, ils se résolurent à prendre patience.
Ils n'eurent pas d'ailleurs le temps de se livrer à de plus amples réflexions. Un gong gronda ; des boys vêtus de mousseline claire parurent, les hôtes du résident furent introduits dans une délicieuse salle à manger.
C'était une création du capitaine Wad qui s'en montrait fier.
En cinquante des points de la voûte de stuc, de minces filets d'eau tombaient, qui répandaient une fraîcheur délicieuse et créaient l'illusion de l'entrée d'une grotte de naïades d'un féerique parterre de lis minces au feuillage vaporeux.
Le terrible soleil, qui, à quelques pas de là, crevassait la terre, faisait éclore en une explosion les graines de balsamines sauvages et des cactus, était là désarmé.
La table était servie avec toutes les recherches du luxe européen, pimenté par les splendeurs indiennes.
Les surtouts offraient les vastes fleurs des magnolias, des nymphéas doubles, des cactus, des orchidées inédites ; derrière les convives, des boys bien stylés présentaient respectueusement des vins antiques : le fameux porto de la citadelle de Goa, vieux de plus d'un siècle ; des calebasses de vin de palme ; de l'eau-de-vie de gingembre et ces alcools de myrte, de jasmin et de citron sauvage où les distillateurs anglo-indiens sont habiles.
L'inévitable carry servait de cadre à des venaisons et à des poissons qui eussent à Londres coûté une fortune ; les fruits s'entassaient dans les compotiers de cristal comme un écroulement de la terre promise ; les minces colonnes des jets d'eau avaient un murmure de chanson, et tout au fond de la pièce la baie large ouverte du window laissait entrer la rumeur immense de la forêt avec la brise chargée de sauvages parfums.
Miss Alberte et Ralph Pitcher étaient extasiés.
Ils comprenaient ce qui leur paraissait quelques jours auparavant inexplicable, l'aversion profonde que manifestent tous les Anglais pour le retour en Europe, une fois qu'ils ont habité l'Inde quelques années.
Là est accumulée la science de vivre de milliers de générations.
D'ailleurs, le capitaine Wad, très informé à tous égards, était un causeur charmant ; il possédait l'art, presque perdu maintenant, non seulement de laisser parler, mais de faire parler chaque interlocuteur, de tirer de chacun, pour le plaisir commun, ce qu'il avait d'intéressant à conter.
– Je tiens à vous prouver, dit-il en riant, que nous ne sommes pas si sauvages que l'on veut bien le dire ; j'ai tâché, tant que j'ai pu, d'éviter l'engourdissement physique et moral qui gagne certains fonctionnaires adonnés au gin et à l'opium.
– On voit, murmura Pitcher, que vous êtes l'ami des yoghis.
– Sans doute ; mais, si c'est une façon de me rappeler ma promesse maintenant je suis prêt ; Phara-Chibh est prévenu.
« Nous irons le trouver sitôt que miss Alberte en manifestera le désir.
– Mais tout de suite, capitaine, s'écria la jeune fille.
« Je vous avoue que, malgré les délicatesses de votre table, qui ferait rougir de honte Lucullus, Brillat-Savarin et certains milliardaires de notre connaissance, je brûle du désir de voir ce thaumaturge.
Le capitaine Wad s'était levé et précédait ses hôtes le long d'une galerie de bois aux colonnes de bambou d'où l'on découvrait la perspective magnifique de la forêt et des jardins éclairés par la lune.
Mais on eût dit que le capitaine Wad, jusqu'alors hôte prévenant de ses compatriotes, s'était brusquement transformé.
Son regard avait pris quelque chose de dur, sa voix était devenue autoritaire et brève.
– Vous êtes les seuls, dit-il, auxquels je ferai voir l'extraordinaire spectacle auquel vous allez assister.
« Mais je vous préviens que vous devrez garder pendant l'expérience le silence le plus complet, un geste, un mot serait pour vous le signal d'un trépas foudroyant.
– Je l'entends bien ainsi, fit miss Alberte d'un ton résolu ; après les affres terrestres que j'ai endurées, les prestiges de l'au-delà ne sont pas pour m'effrayer.
Le capitaine Wad ne répondit rien ; un des boys lui avait mis en main une torche de résine odorante, qui montait dans la nuit calme avec une belle flamme claire.
– Maintenant, fit-il, nous allons monter à la tour.
« Les bâtiments de la résidence sont construits sur l'emplacement de l'ancien palais d'un radjah.
« Il n'en subsiste plus maintenant qu'une seule tour, extérieurement ornée de riches sculptures ; mais, ce qu'elle présente de spécial, c'est qu'il n'y a aucune espèce de fenêtre.
« Elle réalise le paradoxe d'un souterrain élevé dans les airs ; toutes les salles voûtées de blocs énormes sont entièrement ténébreuses et, malgré d'attentives recherches, je n'ai jamais pu découvrir, dissimulés dans les ornements, les conduits par où arrive l'air nécessaire à la respiration.
Le capitaine Wad avait ouvert une porte.
Ralph Pitcher et miss Alberte virent devant eux les premières marches d'un escalier de granit noir ménagé dans l'épaisseur des blocs qui formaient la muraille de la tour.
Les figures grimaçantes du bas-relief sculptées dans le mur semblaient grimper en même temps qu'eux, des yeux bridés clignaient à leur passage, des museaux de tigres ou d'éléphants semblaient les flairer, et cette procession de divinités monstrueuses devenait plus nombreuse et plus tourmentée à mesure qu'ils franchissaient les degrés.
– Voilà des gens qui avaient de l'imagination, murmura Ralph Pitcher. Mais il se tut.
Le capitaine Wad, élevant sa torche, venait de les introduire dans la salle qui occupait le premier étage de la tour.
Ils virent des idoles à la face hébétée et féroce, dont les bras et les jambes entrelacées montaient en de bizarres mouvements jusqu'à la voûte qui se terminaient par une fleur de lotus délicatement sculptée et qui retombait en pendentif.
Sur le sol, il y avait un tas d'ossements.
Ils se hâtèrent de fuir cet endroit, où l'accablante impression des siècles sanglants pesait sur eux.
L'étage suivant était plus terrible encore, peut-être, dans sa nudité.
Les murs circulaires en étaient creusés d'une centaine de niches actuellement vides, mais sans doute remplies peu de temps auparavant par des statues.
Le capitaine Wad expliqua que les idoles d'or, d'argent ou de cuivre avaient été pillées au cours de la grande révolte des cipayes ; il ne restait plus que les niches, comme autant de trous pleins de ténèbres.
– Je n'ai rien voulu changer à tout cela, murmura le capitaine, il me semblait que j'aurais commis un sacrilège ! … Mais patience, il ne nous reste plus qu'un étage à gravir, le dernier de la tour. C'est une pièce très vaste – car je ne sais pas si vous l'avez remarqué – l'édifice affecte la forme d'une pomme de pin, il est beaucoup plus étroit à la base qu'au sommet.
Ralph et miss Alberte furent assez étonnés de trouver cette pièce complètement nue, ni sculptures, ni peintures, seulement quelques colonnes qui formaient des arcades ogivales en se réunissant près de la voûte.
Au centre, une sorte d'autel bas où Phara-Chibh était accroupi, les jambes étendues, dans une telle immobilité qu'on l'eût dit taillé lui-même dans le roc noir de la tour.
Il était entièrement nu, et sa maigreur était tellement effrayante que miss Alberte eut un moment de recul involontaire.
Phara-Chibh n'était plus qu'un squelette recouvert d'une peau brunâtre, les muscles absents, les côtes saillantes, la peau du ventre presque collée à l'épine dorsale.
Seule, la tête énorme, aux yeux flamboyants et clairs, semblait avoir gardé pour elle seule la vitalité du reste de l'individu.
À la vue des nouveaux arrivants, il ne se leva pas, il ne salua pas, il demeura figé dans la même immobilité, comme s'il eût été une idole curieuse que l'on exhibait aux visiteurs.
Mais, sous le jet de feu de ses prunelles dévoratrices, Ralph et miss Alberte reculèrent instinctivement, pris d'un vertige.
Le naturaliste avoua plus tard avoir éprouvé une impression moins pénible lorsque les Thuggs l'avaient oublié, attaché à la gueule d'un vieux canon, en disposant une lentille au-dessus de la lumière bourrée de poudre.
Il savait que, lorsque le soleil arriverait à une certaine hauteur au-dessus de l'horizon, le canon partirait et pourtant, il n'avait jamais éprouvé les mêmes affres que sous le pesant regard du yoghi.
Il y eut quelques instants d'un silence solennel.
– Vous savez, murmura le capitaine Wad, comme pour dissiper cette impression, que Phara-Chibh n'est pas un sorcier ordinaire ; il est initié à des théories cosmiques dont la profondeur et l'audace m'ont étonné.
« Il prétend par exemple qu'aux premiers âges de l'homme, le blé a été apporté par un yoghi d'une planète voisine.
« Il connaît le secret de la disparition de l'Atlantide, où les hommes étaient presque des dieux et où un mage, ayant imprudemment confié son secret à une femme, causa la submersion de tout un continent, la perte à jamais regrettable des grands secrets du vouloir.
« Il sait encore pourquoi ont été construites les grandes pyramides. Les Pharaons en ont fait des tombeaux ; mais elles avaient une utilité que n'ont jamais révélée les historiens.
« Leur forme même le prouve, c'était un refuge contre la pluie incessante de bolides qui, à différentes époques, avaient dépeuplé la terre !
« Les Gaulois ne lançaient-ils pas des flèches contre le ciel ?
« La pauvre humanité bestiale de ces temps-là suait sang et eau, mourait à la peine pour se construire des asiles contre la mort.
À ce moment, d'un coin d'ombre, un tigre se dressa sur ses pattes et vint frôler doucement la robe de miss Alberte, il étira ses griffes sur le granit noir du pavage et, avec un regard qui semblait chargé de pensées, il se coucha aux pieds de la jeune fille.
Ralph Pitcher, à la vue du fauve, avait fait trois pas en arrière, miss Alberte était devenue un peu pâle, mais elle n'avait pas reculé. Tout ce qu'elle voyait lui était une révélation ; elle comprenait que ce tigre était voulu, prévu d'avance, se reliait à l'ensemble de surprenantes idées que l'on venait d'étaler devant elle.
Mais le capitaine Wad s'était promptement avancé entre le fauve et miss Alberte.
– Soyez sans crainte, dit-il, il est absolument inoffensif. À bas, Mowdy !
« Il a été dressé précédemment par Ardavena qui faisait de lui tout ce qu'il voulait.
– Je sais, dit Ralph, qui s'était rapproché un peu rassuré par ces paroles, que c'est un secret presque perdu, conservé seulement dans quelques pagodes indiennes, que celui de dompter et d'apprivoiser toutes sortes d'animaux, de les douer d'une intelligence quasi humaine.
Mowdy s'était retiré à la parole de l'officier et s'était pelotonné en rond.
Il y eut un moment de silence ; malgré eux, tous se sentaient opprimés, gênés par le lourd regard du yoghi qui planait sur eux, chargé de mystérieux effluves.
– Maintenant, dit le capitaine, vous allez assister à une des plus extraordinaires expériences de Phara-Chibh.
« J'insiste encore sur ma recommandation de tout à l'heure ; quoi que vous voyiez, quoi que vous entendiez, ne manifestez votre émotion par aucun cri, par aucun geste.
« Si miss Alberte ne se sentait pas assez forte, il vaudrait mieux – et je vous le dis très sérieusement – remettre à plus tard cette séance.
– Non ! s'écria vivement miss Alberte.
« Je ne suis pas, moi, une femmelette dominée par ses nerfs ; je vous promets que je n'aurai pas peur.
– C'est bon, dit le capitaine d'un ton grave, et il désigna à ses hôtes des fauteuils creusés dans la pierre et dont les bras se terminaient par des têtes de crocodiles.
Ralph et miss Alberte, sans peut-être bien s'en rendre compte, étaient énervés par l'attente et par la bizarrerie du décor et les façons mystérieuses du capitaine Wad.
Maintenant, il parlait à voix basse avec le yoghi, puis, de sa torche, il alluma sept gros cierges disposés en forme d'étoile et qui, à la grande surprise de Ralph, donnèrent chacun une flamme de couleur différente.
C'étaient les sept couleurs fondamentales, reproduites, à ce que supposa le naturaliste, par des oxydes métalliques mélangés à la cire végétale dont étaient fabriqués les cierges.
L'ensemble offrait quelque chose de fantastique.
Puis, le capitaine tira d'une boîte diverses poudres colorées et, laissant en dehors les chandeliers de pierre qui portaient les cierges, il traça un cercle tout autour de l'espèce d'autel où le yoghi était accroupi.
Puis il jeta sur de grands brûle-parfums de bronze, où un feu de noyaux d'olives se recouvrait d'une cendre blanche, d'autres poudres.
Des volutes d'une épaisse fumée montèrent vers la voûte ; un brouillard se condensa peu à peu dans la vaste rotonde sans fenêtres.
Ces fumées répandaient une odeur âcre et presque nauséabonde.
Ralph reconnut la violente senteur des plantes vénéneuses et hallucinantes, presque toutes de la famille des solanées, des ombellifères ou des papavéracées.
Ces fumées, tantôt roses, tantôt bleues, tantôt vertes, à la lueur des cierges, exhalaient l'amertume nauséeuse de la rue, du datura stramonium, de la ciguë, de la belladone, du chanvre indien et du pavot blanc.
L'atmosphère de la pièce était devenue presque irrespirable, Ralph et miss Alberte étaient inondés de sueur ; leurs cœurs battaient à grands coups sous l'influence d'une inexprimable angoisse, un cercle de fer leur serrait les tempes et leurs prunelles s'exorbitaient, avec une intolérable souffrance.
Puis, peu à peu, le calme se fit ; une sensation d'algidité, de froid glacial, envahit leurs extrémités ; enfin, à toutes ces sensations pénibles, succéda un étrange bien-être ; ils se trouvaient dans un état de sérénité et de béatitude, ils jouissaient d'une merveilleuse lucidité intellectuelle, se sentaient aptes à résoudre les problèmes les plus ardus, à suivre sans fatigue les raisonnements les plus compliqués.
L'atmosphère, à la fois lumineuse et pesante, leur apparaissait maintenant parfaitement claire et le yoghi Phara-Chibh semblait se mouvoir au sein d'une atmosphère vaguement phosphorescente, d'une sorte de nimbe, comme celui que les peintres primitifs mettaient autour de la tête des saints et des thaumaturges.
Cependant, Phara-Chibh avait placé à terre, en face de lui, juste au centre du cercle formé par les sept cierges, une sorte de haillon noirâtre à cinq pointes qui paraissait être un vieux morceau de cuir tout fripé et recouvert encore par places de poils grisâtres, puis il prit à côté de lui une flûte de bambou, de celles que les pauvres Indous fabriquent avec leurs couteaux et qui sont un des instruments de musique les plus primitifs et les plus rudimentaires, puis il se mit à jouer très doucement, ses longs doigts de squelette allongés sur les trous.
Miss Alberte ne put s'empêcher de frissonner, songeant à ces musiciens de la danse macabre qui poussent joyeusement toute une noce vers la fosse entrouverte.
L'air que jouait le yoghi était une de ces mélopées orientales, monotones et obsédantes à la longue, où les mêmes notes reviennent interminablement sur un rythme machinal.
L'attention des spectateurs de cette étrange scène était puissamment excitée.
Ils comprenaient qu'il y avait là quelque chose de plus qu'une de ces jongleries dont ils avaient lu le récit et qui, presque miraculeuses au premier abord, finissent toujours par s'expliquer d'une façon logique.
Cependant, Phara-Chibh précipitait graduellement le rythme de son air et cette musique produisait quelque chose d'étrange à mesure que la cadence perdait de sa lenteur, allait en s'accélérant.
L'informe lambeau de cuir avait paru d'abord frisonner, agité comme par un souffle impalpable, puis il remua, il se tordit, s'enfla et se recroquevilla comme un parchemin que l'on jette sur des charbons ardents.
Il y avait quelque chose de pénible dans les mouvements convulsifs de cette chose inanimée qui s'efforçait de vivre, semblant obéir à contrecœur à la volonté toute-puissante qui l'animait.
Le rythme se faisait fébrile, impérieux ; entre les lèvres desséchées du yoghi, ces quelques notes devenaient un ordre tyrannique, auquel il n'était pas possible à la nature même de désobéir.
– Il le faut ! Je le veux !… semblait répéter inlassablement la flûte de roseau.
Et, sous l'impulsion de ce vouloir énergique tout-puissant, l'indéfinissable chose s'étirait, s'allongeait, se gonflait et prenait une forme.
Un moment, elle voleta au-dessus de sol ; Ralph distingua la silhouette encore vague d'une sorte de chauve-souris.
– Plus vite ! Plus vite, je veux ! répétait la flûte, impérieuse, dont les notes saccadées roulaient maintenant en tourbillon, en un crescendo de folie.
La résurrection – la création, peut-être – de la bête ailée, d'abord si pénible, s'opérait maintenant avec une rapidité déconcertante.
L'apparition avait maintenant la taille d'un homme et, dressée sur ses pattes, étendait de larges ailes membraneuses d'une couleur jaune sale, qui grandissait avec la rapidité de certains tableaux fantasmagoriques.
Miss Alberte était devenue pâle, elle se raidissait contre l'angoissante terreur qui commençait à la gagner.
Ralph Pitcher n'était guère moins ému.
Il y avait dans le monstre magnifiquement réalisé par Phara-Chibh, quelque chose de l'homme et de la bête ; il y a de pareils démons dans les miniatures des livres de sorcellerie du Moyen Age.
C'était une sorte de grande chauve-souris humaine ; mais, contrairement aux espèces que l'on rencontre à la Guyane ou à Java, la main armée d'ongles pointus se trouvait à l'extrémité de l'aile.
Le visage au front élevé, aux mâchoires démesurées, reflétait une puissante intelligence, plus qu'humaine, mais faite surtout de ruse et de férocité ; les lèvres pendantes, d'une hideuse couleur de sang, découvraient des dents aiguës et blanches ; le nez retroussé et court, presque réduit à deux trous, eût pu se comparer à celui d'un chien bouledogue ; les yeux renfoncés, clignotants, comme inhabitués à la lumière, semblaient attirés par le cierge vert et le cierge bleu, ils étaient bordés de paupières enflammées et rouges.
Quant aux oreilles, elles avaient le même dessin que l'oreille humaine, mais démesurément distendues, vibratiles comme deux ailes arrondies, elles achevaient de donner à la physionomie du monstre une expression abjecte.
Certainement, les imagiers du Moyen Age n'avaient pas inventé de plus hideux démons.
Maintenant, il se maintenait à une certaine hauteur au-dessus du yoghi, sans effort apparent, remuant ses ailes membraneuses, juste assez pour garder son équilibre.
Il paraissait n'avoir nullement conscience de ceux qui l'entouraient, ni même de celui auquel il obéissait.
Il était en proie à une inquiétude et à une souffrance extraordinaires.
Brusquement, il donna un grand coup d'aile et essaya de s'envoler vers la voûte.
Ses prunelles bordées de rouge fulguraient, il avait pris une intensité de réalité et de vie extraordinaire, c'était maintenant le yoghi Phara-Chibh, devenu vague et embrumé, qui semblait une apparition, ce que Ralph s'expliqua en supposant que sans doute c'était le fluide volitif de l'ascète qui se condensait pour produire l'extraordinaire vision.
Mais une des ailes écailleuses franchit le cercle formé par les cierges et, chose stupéfiante ; toute la partie qui dépassait disparut, s'évapora, nettement coupée par une ligne, comme l'est une gravure par la marge du papier.
Le monstre, comme s'il eût compris que son existence était impossible en dehors du cercle magique, regagna promptement la place qu'il occupait.
Brusquement, Phara Chibh cessa de jouer, il y eut quelques secondes de silence.
L'apparition mystérieuse s'était embrumée et c'était le yoghi qui redevenait un être réel et palpable.
Il sembla en même temps aux spectateurs que la lueur des cierges pâlissait, qu'une pluie de ténèbres tombait pour ainsi dire de la voûte et que d'autres chauves-souris humaines – innombrables – se dégageaient petit à petit du vague de la brume.
Phara-Chibh avait repris sa flûte et sans changer de note, rien que par le rythme spécial qu'il imprimait à la mélodie, le chant était devenu funèbre, d'une oppressante mélancolie.
Les autres apparitions se dissipaient lentement.
Tout à coup, le profil pâle de l'ingénieur Darvel sortit lentement des ténèbres, d'une transparence spectrale.
Le monstre se rua vers lui, les griffes en avant.
Mais c'était plus que miss Alberte ne pouvait en supporter, elle jeta un cri d'épouvante et s'évanouit.
Il y eut quelques minutes d'indescriptible terreur.
Au cri poussé par la jeune fille, les sept cierges s'étaient éteints, l'apparition s'était évanouie, Ralph avait ressenti une commotion foudroyante, comme pourrait l'être celle d'une pile de plusieurs milliers de volts.
Comme Alberte, il s'évanouit… Quand il rouvrit les yeux, le capitaine Wad était devant lui, pâle comme un mort, les lèvres exsangues, et, de ses mains tremblantes, il brandissait sa torche qu'il était parvenu à rallumer.
– Miss Alberte ! s'écria Ralph avec angoisse.
– Je ne sais si nous la sauverons, murmura l'officier d'une voix sourde.
Et il montrait la jeune fille, toujours inanimée, dans le fauteuil de pierre.
– Mais Phara-Chibh ?
L'officier eut un geste de désolation.
– Voilà ce qu'il en reste ! fit-il.
Et Ralph vit avec horreur sur l'autel un grand tas de cendre blanche au milieu de laquelle fumaient encore des ossements noircis.
Et, comme le naturaliste se taisait, consterné :
– C'est ma faute aussi, dit l'officier, je me suis montré imprudent.
« J'auras dû prévoir que miss Alberte, toute courageuse qu'elle est, n'était pas de force à supporter un pareil spectacle.
Il ajouta avec amertume :
– Les livres sacrés ont raison quand ils disent qu'il faut éloigner les femmes des opérations magiques et du commerce des esprits invisibles…
Les deux hommes se regardèrent, terrifiés.
Ils éprouvaient une fatigue profonde, un vertige les envahissait, leurs yeux se fermaient invinciblement, leurs jambes flageolaient.
– Il ne faut pas se laisser aller à cette torpeur, dit le capitaine Wad avec effort, il faut quitter cette tour maudite dont l'air est encore saturé de poisons fluidiques ; y demeurer un quart d'heure de plus, ce serait la mort, pour nous et pour miss Alberte.
« Il faut que vous m'aidiez à la transporter hors d'ici ».
Tous deux se mirent à l'œuvre ; mais quoique l'officier et le naturaliste fussent chacun pour leur part d'une vigueur plus qu'ordinaire, encore accrue par la pratique des sports, ce ne fut qu'avec les plus grands efforts qu'ils parvinrent à soulever le corps inerte de la jeune fille, qui leur semblait aussi pesant que si c'eût été une statue de plomb.
Ils succombaient à une invincible fatigue, les nerfs détendus, les jointures douloureuses, tous les muscles courbaturés.
Ils mirent plus d'une heure à descendre l'escalier de la tour.
Quand enfin ils atteignirent les pelouses du jardin, embaumé par le parfum des roses du Bengale, des jasmins de Perse, des citronniers, des cédratiers et des magnolias, ils étaient à bout de forces.
Ils déposèrent miss Alberte sur un banc de marbre au dossier incliné et le capitaine Wad courut chercher à l'habitation des sels, de l'éther, des liqueurs cordiales, tout ce que sa pharmacie de voyage pouvait fournir pour tirer la jeune fille de son évanouissement.
À son retour, il eut la satisfaction de la voir revenue à elle-même ; mais elle était d'une grande faiblesse ; le choc qu'elle avait éprouvé la laissait abattue, exténuée, incapable de répondre.
Les boys la transportèrent avec précaution dans sa chambre, où on lui prodigua tous les soins que réclamait son état.
Un cipaye courut à franc étrier chercher le médecin de la station voisine, qui arriva en hâte quand il sut que sa cliente n'était rien moins que milliardaire.
Après un examen attentif et minutieux, quand il eut écouté d'un air un peu sceptique les explications que crut devoir lui donner le capitaine Wad, il déclara qu'il répondait de la vie de la jeune fille, mais qu'il ne pouvait affirmer que sa raison n'eût pas été atteinte irrémédiablement.
– Le plus pressé, fit-il après avoir rédigé une ordonnance, c'est de sauver la vie de la malade, de combattre l'exaltation nerveuse, qui pourrait amener des troubles d'autant plus graves qu'elle est prédisposée à une affection cardiaque.
– Son père a succombé à une embolie, dit Ralph.
– Cela ne me surprend pas, dit-il, raison de plus pour faire extrêmement attention à notre malade, lui épargner les émotions, même les plus faibles.
Ralph et le capitaine Wad en furent heureusement quittes pour la peur : miss Alberte se rétablit lentement et bientôt on put espérer que le drame fantastique auquel elle avait assisté ne laisserait pas d'autre trace dans son esprit.
Cependant, le lendemain même de la mort de Phara-Chibh, Ralph et le capitaine avaient eu une explication.
– Je suis sûr, avait dit l'officier, que la scène que nous avons entrevue s'est passée réellement quelque part.
« L'ingénieur Darvel n'est pas mort, il court peut-être de grands dangers ; mais il vit.
– Pourtant, le monstre qui nous est apparu n'existe certainement pas dans la zoologie terrestre.
– Je n'ai pas prétendu cela ; et encore existe-t-il des cavernes inexplorées qui nous gardent la surprise de bien des êtres mystérieux.
« N'a-t-on pas capturé en Chine, il y a quelques années, dans un gouffre jusqu'alors inexploré, un étrange lézard ailé qui offrait l'image exacte de ces dragons compliqués et tortueux qu'on avait cru jusqu'alors n'exister que dans l'imagination des enlumineurs du Céleste Empire.
Mais Ralph Pitcher demeurait silencieux.
Tout un travail se faisait dans son esprit, la phrase prononcée la veille sur le blé apporté d'une planète voisine par la puissance d'un yoghi lui revenait en mémoire ; il se souvenait des anciens projets de Robert.
Tout à coup il se leva, en proie à une indicible émotion.
– Capitaine ! murmura-t-il, voulez-vous que je vous dise la vérité ? Je viens d'en avoir l'intuition et je suis sûr de ne pas me tromper.
« L'ingénieur Robert Darvel a réalisé son rêve d'autrefois. Il a réussi à atteindre la planète Mars !
« Il est impossible qu'il en soit autrement !… Et le monstre qui nous est apparu n'est autre qu'un des habitants de Mars avec lesquels Robert, armé de toute la science de la vieille planète, soutient sans doute quelque terrible lutte.
– Je le pensais, dit le capitaine Wad, après un instant de silence.