ÉPILOGUE

 

Rappelez-vous le commencement de ce récit, le village où maître Guillaume arrivait.

Il n’est pas reconnaissable.

C’était jadis une cinquantaine de misérables chaumières. On y compte aujourd’hui près de deux cents maisons, soigneusement entretenues, des plus riantes.

Cet accroissement de population s’explique par les usines qui s’élèvent au bord de la rivière.

Il y a d’abord le vaste établissement du baron d’Orgeval, grand industriel, grand agriculteur, député de l’arrondissement.

Son fils, qui vient de se marier, marche sur ses traces.

Viennent ensuite les fabriques de Martin Fayolle, de Martial Hardoin, de Philippe Mesnard.

Une ligne de chemin de fer, qui traverse le pays, contribue puissamment à sa prospérité.

L’industrie ne porte aucun préjudice à l’agriculture, bien au contraire. Tout est défriché, tout rapporte. On ne saurait voir des champs mieux cultivés, des cultivateurs plus intelligents. Au lieu de travailler comme des mercenaires, comme des rustres, ils se rendent compte de chaque amélioration nouvelle ; ils s’appliquent sans relâche à retirer de la terre des produits plus abondants, et le succès de leurs efforts les encourage à pousser pour améliorer sans cesse. Ils raisonnent, ils lisent ; ils ont leur part de toutes les jouissances intellectuelles ; ils sont heureux et fiers d’être des paysans.

Aussi ne les voit-on plus aspirer à devenir des bourgeois, des messieurs de la ville, ou pour mieux dire des saute-ruisseau, des commis. Leur état, leur village est devenu attrayant pour eux. Ils savent que le vrai bonheur est là.

Il est surtout à la grande ferme. Là se groupent, autour du vieux Martin Fayolle, trois francs amis : Martial, Philippe et Guillaume ; trois charmantes jeunes mères : Charlotte, Gratienne et Claudine ; un joyeux essaim de beaux enfants qui tous l’appellent grand-papa Martin. C’est comme un tableau de Greuze.

Souvent on y rencontre le bon curé Denizet. Heureux de voir sa chère paroisse où tout le monde a reçu, non-seulement l’instruction, mais encore l’éducation ; où règnent les bonnes mœurs, le respect de Dieu et de la foi, le digne prêtre répète en montrant Guillaume :

« Tant vaut le maître, tant vaut l’école ! tant vaut l’école, tant vaut le village ! »

Il y a maintenant plusieurs sous-maîtres et sous-maîtresses ; mais Guillaume est toujours l’instituteur, Claudine toujours l’institutrice. Ils ont ce principe :

« Alors même que l’on n’a plus besoin de travailler pour soi, le devoir est de travailler pour les autres. »

FIN.{2}